3 mai 2025

Eyadéma, Étienne Gnassingbé | 1935-2005

  • Né le 26 décembre 1935 à Pya, au Togo
  • Président de la République togolaise (15 avril 1967 - 5 février 2005)
  • Décédé le 5 février 2005

Thierry Oberle, « Eyadéma, le doyen africain des présidents à vie », Le Figaro (France), 7 février 2005, p. 2.

«...aidé par l'inconsistance d'une opposition qu'il manipule en grande partie, (Eyadéma) est élu lors d'élections dont la régularité est contestée par ses adversaires en 1993 et 1998. En juillet 1999, pouvoir et opposition signent des accords pour tenter de sortir de dix ans de crise. Les élections consacrent sans surprise la suprématie du Rassemblement du peuple togolais, le RTP fondé par le président Eyadéma. Étranglé économiquement après que l'Union européenne avait interrompu son aide voici dix ans après les violences ayant émaillé le processus politique, le général Eyadéma avait récemment repris le dialogue avec l'opposition et annoncé la tenue de législatives dans les prochains mois. Ces engagements ont décidé l'Union européenne en novembre à normaliser ses relations avec Lomé. Mais l'ex-putschiste n'a jamais désarmé. Il était membre du club africain des présidents à vie, une assemblée dont il était le doyen. Le plus ancien chef d'État de la planète après Fidel Castro a tiré sa révérence. Sa disparition plonge le Togo dans l'inconnu. »

Étienne Gernelle, « Togo : succession à la hussarde », Le Point (France), 10 février 2005.

«...Fin tacticien, Eyadéma, surnommé également « le Général », « le Vieux » ou « le Patron », sait susciter les divisions et les ralliements en temps voulu. En 2003, il est à nouveau réélu, après avoir modifié la constitution, qui l'empêchait de se représenter. Il avait pourtant promis à Jacques Chirac - croix de bois, croix de fer - de ne pas franchir ce Rubicon.. Eyadéma, qui, raconte-t-on, aurait fait un enfant à une femme de chacune de la trentaine d'ethnies que compte le Togo, se pose en véritable père de la nation. « Mon seul marabout, c'est le peuple togolais », répète-t-il. L'écrivain Ahmadou Kourouma s'est inspiré du parcours du président dans son roman « En attendant le vote des bêtes sauvages », satire de la vie politique africaine. L'origine de ce titre vient d'une remarque de son cuisinier togolais : « Si les hommes refusaient de voter pour Eyadéma, les bêtes sortiraient de la brousse pour voter pour lui. » La brousse a sans doute aidé Eyadéma. Mais aussi la France. Jusqu'à la fin, Eyadéma a pu compter sur son soutien sans faille. Y compris lors des nombreuses tentatives de coup d'État. »

« Eyadéma : Togo's Woeful Legacy », The Economist (Royaume-Uni), 12 février 2005.

«...Mr Eyadéma was not the worst of Africa's despots. He was less murderous than many of his contemporaries, though Amnesty International complained that torture was rife in his jails. Per head, Togo is 12% poorer than when he seized power, which is an awful record, but better than some. His admirers pointed out that he kept Togo stable, up to a point. (...) Mr Eyadéma so dominated politics that Togo has developed no reliable mechanisms for resolving disputes without him. He always took a dim view of democrats, accusing them of fomenting disorder and even of being behind the scourge of elephant-poaching in his home region of Kabyé. It was only under intense pressure, principally from France, that he allowed semi-competitive elections in 1998 and 2003, which he won through a mixture of rigging and intimidation. »

Francis Laloupo, « Fin de l’empire Eyadéma », Le Nouvel Afrique Asie (France), p. 7 et 9.

«...Le Togo offre cette particularité d’avoir eu à sa tête, trente-huit durant, un homme à qui le temps a permis de mettre en place un système achevé, profondément enraciné dans l’histoire post-coloniale du pays, et qui a su, par tous les moyens – militaires, politiques et diplomatiques – soumettre le pays à son bon droit. Ce « fascisme tropical » niché au cœur de l’Afrique de l’Ouest ne doit donc rien à l’improvisation ni au hasard. [...] Quarante ans du régime Gnassingbé Eyadéma ont fondé un « ordre » parfaitement structuré, qui a sa vie propre, agit selon sa logique, faisant fi des exigences ordinaires des règles communément admises dans le concert des nations. Une dictature absolue, forcément autiste. Qui plus est, une caricature sinistre de l’État post-colonial sans projet : un État inapte à se tourner vers son peuple tenu en respect par la soldatesque du chef, dont la raison réside pour l’essentiel dans la conservation de son territoire et des intérêts d’une coterie, et dans une allégeance immodérée à l’ex-puissance coloniale. »