Wajda, Andrzej | 1926-2016

Hubert Niogret, « Andrzej Wajda : L’historien de son pays sur une toile blanche ou rouge », Positif (France), décembre 1976, p. 75.
«...Andrzej Wajda a su constamment lier les émotions personnelles aux données historiques et est resté ouvert aux aléas de la vie. C’est pendant le tournage de Tatarak que le cinéaste décida d’intégrer la confession de Kristyna Janda sur la perte de son mari dans la fiction du film. Travaillant avec des scénarios très écrits, très nourris d’événements réels, Andrzej Wajda avait aussi cette liberté pour donner à ses films une respiration et une énergie qui étaient celles du vécu, de la prise directe sur la vie. Et si ses films sont politiques en qu’ils racontent l’encadrement de son pays, la répression qui y est exercée, les films ne sont jamais figés par les options politiques, les lourdeurs idéologiques. Tout est ramené au flux de la vie, à la vitalité des personnages, par un metteur en scène aussi dynamique intellectuellement dans son dernier film comme dans ses premiers films [...] Quarante-sept films de longs-métrages (dont une dizaine de téléfilms), sans compter les courts-métrages de ses débuts, et les documentaires jusqu’à la fin de sa vie, lui ont permis d’être constamment sur le devant de la scène polonaise, avec une cohérence et une qualité exceptionnelles pour la très grande majorité des films. Un phénomène qui n’est pas si courant dans le cinéma mondial. »
Jurek Kuczkiewicz, « Il tendait un miroir aux mythes polonais », Le Soir (Belgique), 11 octobre 2016, p. 22.
«...Wajda a consacré sa vie artistique à questionner le rapport des Polonais à leur histoire et à leur supposée identité. Sachant que l’histoire n’est jamais neutre, et que chaque époque porte son propre regard sur une histoire jamais figée, et qui n’est qu’un miroir qu’une époque substitue à une autre dans l’illusion que l’histoire est une et éternelle. Wajda a traversé quelques ères politiques. Il a connu jusqu’à l’adolescence la Pologne indépendante de l’entre-deux-guerres, mythifiée encore aujourd’hui comme un paradis perdu alors qu’elle fut comme toute l’Europe déchirée entre l’aspiration à la modernité et la tentation fasciste. Il traversa ensuite, période centrale de son existence et de sa création, les 44 ans de régime communiste, avant de vivre suffisamment longtemps – 27 ans – pour tendre à ses compatriotes le miroir de la Pologne contemporaine démocratique et membre de l’Union européenne [...] Éternel critique, non sans affection, du messianisme polonais, Wajda est resté fidèle à l’ethos de Solidarité, rêve très XXe siècle et brièvement réalisé en Pologne de la solidarité interclasses et de l’autogestion. Quant au nationalisme, il en avait parlé dans l’une de ses dernières interviews en commentant le nouveau pouvoir polonais : « Le nationalisme se réveille. Il est dangereux. C’est la pire voie, celle qui mène à tous les conflits possibles. » Wajda est sans doute mort à temps. »
Thomas Sotinel, « Andrzej Wajda », Le Monde (France), 11 octobre 2016, p. 20.
«...Chef de file d'une vague de réalisateurs apparue après la fin de la seconde guerre mondiale et la création de l'école de cinéma de Lodz, Andrzej Wajda s'était fait remarquer dans les festivals internationaux dès la fin des années 1950, avec Génération,Kanal et Cendres et diamant, qui donnaient de la tragédie traversée par la Pologne entre 1939 et 1945 une image puissante et nuancée, qui le mit souvent en délicatesse avec le régime communiste. Cette confrontation atteint son paroxysme avec la naissance du syndicat Solidarnosc en 1980, dont L'Homme de marbre, réalisé en 1977, fut le présage, avec sa remise en cause du lien entre le Parti ouvrier unifié polonais (POUP, communiste) et la classe ouvrière [...] Dès lors, Wajda apparaît comme l'un des porte-parole du mouvement, ce qui lui vaudra d'être chassé des instances officielles du cinéma lors de la répression qui s'abattra sur les partisans de Solidarnosc après le coup d'État de décembre 1981, le forçant à un semi-exil sans jamais qu'il quitte tout à fait la Pologne. Après l'éclatement du bloc communiste, le cinéaste se remet progressivement à l'ouvrage, le regard toujours tourné vers le passé, jusqu'à réaliser Katyn, en 2007, tragédie historique mais aussi personnelle. »
La Presse canadienne, « Le cinéaste polonais lauréat d’un Oscar, Andrzej Wajda, est décédé », 9 octobre 2016.
«...Andrzej Wajda, dont l'oeuvre s'est concentrée sur des moments importants de l'histoire de la Pologne, est connu pour ses films « La Terre de la grande promesse » , « L'Homme de marbre » et « L'Homme de fer » - qui a remporté la Palme d'Or de Cannes en 1981. Il avait reçu un Oscar honorifique pour l'ensemble de sa carrière en 2000. Ses films « L'homme de fer » et « Katyn » avaient aussi été sélectionnés aux Oscars. Le père du réalisateur est un des milliers d'officiers polonais assassinés par les Soviétiques au printemps de 1940. Les hommages ont plu à la suite de l'annonce de son décès. « Nous avons perdu quelqu'un de plus grand que la vie, a déclaré l'acteur et directeur théâtral Jan Englert. Il n'était pas qu'un grand artiste, mais il était aussi une véritable autorité. » L'acteur Daniel Olbrychski, qui a joué dans 13 films de Wajda, dont « La Terre promise » et « Les Demoiselles de Wilko » , a dit qu'il n'a jamais rencontré un autre réalisateur qui dirigeait aussi bien ses comédiens. « Je pouvais ressentir l'amour de notre auditoire par son entremise. Même s'il ne faisait que froncer les sourcils, je savais que je devais me rendre et être encore meilleur » , a-t-il ajouté. »