9 mai 2025

Gandhi, Mohandas Karamchand | 1869-1948

  • Né le 2 octobre 1869 à Porbandar, dans le Gujarat
  • Décédé le 30 janvier 1948 à Delhi, en Inde

J.-P. de Dadelsen, «Le meurtre de Gandhi secoue tout le Commonwealth», Combat (France), 31 janvier 1948, p. 3.

«...Un personnage de Dostoïevski dit quelque part que tout homme est responsable pour les erreurs, les crimes et les folies de tous les autres hommes. C'est cette solidarité dans la responsabilité qui avait fini par être comprise par bien des Anglais comme étant la clé de la force de Gandhi [...] C'est par une curieuse conséquence d'une activité, entièrement gouvernée par une logique spirituelle sans défaut, que Mohandas Karamchand Gandhi - qui à l'âge de 29 ans avait failli être pendu comme «sale nègre» par une foule déchaînée d'Européens de l'Afrique du Sud- se trouve être devenu, exactement cinquante ans plus tard, une figure dont le meurtre secoue de bout en bout les esprits de l'ensemble du Commonwealth.»

Robert Guillain, « La figure de Gandhi », Le Monde (France), 1er et 2 février 1948, p. 1.

«...La vérité prend souvent figure de paradoxe en face des mensonges des hommes. Gandhi, son serviteur, était en toutes choses paradoxal. Entre son rouet et son téléphone il appartenait à la fois aux plus anciens âges de l'Asie et à un monde moderne où les luttes du siècle envahissent jusqu'à l'ermitage du saint [...] C'était un doux et un pacifique, mais aucun homme n'a fait davantage pour transformer en une puissante énergie le quiétisme naturel de l'Inde, et peut-être de l'Asie tout entière. C'était, pour le résumer, le plus grand rebelle de notre temps, mais sa révolution était de redécouvrir que la foi déplace les montagnes, et de réinventer pour armes la force de l'esprit, le refus du mal, le jeûne. Et le portrait ne serait pas complet si l'on n'y ajoutait un curieux don d'acteur, en même temps qu'une fine pointe de caprice et d'humour, qui le poussaient à utiliser habilement la fascination exercée sur l'Occident et l'Inde même par son personnage de fakir demi-nu.»

S.A., « Sur la mort du Mahatma Gandhi », Le Canada (Québec, Canada), 31 janvier 1948, p. 4.

«...Gandhi a été un modèle de ferveur patriotique , d'abnégation et de résolution farouche qui ne peut servir qu'à ceux qui sont prêts à tout sacrifier pour une idée généreuse [...] D'une philosophie indéchiffrable pour l'Occident matérialiste, l'ascète de la résistance passive a été pour l'Inde un puissant levier. Son action a été si décisive dans les grandes circonstances qui ont agité le Dekkan depuis le début du siècle qu'il est encore trop tôt pour mesurer le retentissement qu'aura dans son pays l'attentat dont il vient d'être, à 78 ans, la victime.»

S. A., « Assassination of Mr. Gandhi »», The Times (Londres) (Royaume-Uni), 31 janvier 1948.

«...The repercussions of the crime are certain to be widespread and intense throughout India and Pakistan. It may produce that change of heart for which Mahatma Gandhi laboured and gave his life. On the other hand, it may stimulate communal frenzy. The presence of 5,000,000 million Hindu and Sikh refugees from Pakistan (of whom about 400,000 are in Delhi) has exacerbated public tempers, and communal organisations such as the Hindu Mahasabha and Rashtriya Swayam Sewak Sangh have been active in preaching vengeance against Pakistan. The situation is heavy with ugly potentialities, and could easily get out of hand if the political leaders do not give a firm and wise lead. Fortunately, in Pandit Nehru India has a state-man of the highest calibre who has been consistently preaching moderation since last August. He has shown great courage in challenging fanaticism and intolerance, and there is no doubt his life is also in danger.»

Jean Piot, « Gandhi : l’apôtre de la non-violence tombe sous les coups du fanatisme », L’Aurore (France), 31 janvier 1948, p. 1.

«...Aux yeux de millions d’hommes – qu’ils fussent Hindous ou Mahométans – Gandhi a longtemps symbolisé l’union pour l’indépendance. Les uns le suivaient avec une piété filiale, les autres – les « politiques » - se servaient de lui, de son prestige, de son apostolat. Toujours est-il que, devant l’Angleterre, aucune puissance n’égalait celle du Mahatma, aucune action n’était plus réelle que celle de ses jeunes volontaires, de ses refus d’obéissance sans colère, et comme enrobés de douceur et de résignation, de sa philosophie ascétique. Et, en filant à son rouet, lui-même pensait sans doute qu’en dépit des dissensions religieuses et raciales dont la péninsule hindoue est comme tissée, il avait réussi à créer un esprit commun qui, après la Libération, assurerait la paix […] Au-delà des haines ataviques, des préjugés, il était l’esprit. Au-dessus des nationalismes, des impérialismes, il était l’Humain. Est-ce un signe des temps qu’il ait été abattu non pas malgré cela, mais à cause de cela ? »