11 avril 2025
22 novembre 1990

Démission de la première ministre britannique Margaret Thatcher

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Margaret Thatcher

Des divisions internes au sein du Parti conservateur (PC), qu’elle dirige depuis 1975, incitent la première ministre britannique Margaret Thatcher à quitter son poste. À la tête du gouvernement depuis 1979, la Dame de fer a marqué l’histoire de son pays par son leadership ferme et des politiques résolument orientées à droite.

Première femme élue (1979), puis réélue à la tête du gouvernement britannique (1983, 1987), Margaret Thatcher impose son leadership lors de la guerre des Malouines (1982), face aux nationalistes irlandais ou aux mineurs de son pays, lors de la grève de 1984-1985. On parle de « thatchérisme » pour décrire cette fermeté ainsi que sa volonté de réduire la taille de l’État et de favoriser le libre marché. À la fin des années 1980, sa popularité est cependant à la baisse. La situation économique est difficile et même des conservateurs pensent qu’elle perdra les prochaines élections. En décembre 1989, la première ministre est contestée sans succès par un député de son parti, Anthony Meyer. La décision de Thatcher d’aller de l’avant avec la Community Charge, ou poll tax, enflamme les passions en mars 1990. Considérée comme injuste à l’endroit des familles moins à l’aise, cette mesure provoque des manifestations et même une émeute à Trafalgar Square, le 31 mars. Opposés à cette taxe, les travaillistes de Neil Kinnock prennent la tête dans les sondages. Après avoir démissionné en novembre, Geoffrey Howe, le vice premier ministre et chef du groupe conservateur, déplore en chambre l’intransigeance de la première ministre face à une plus grande intégration économique avec l’Europe. Le lendemain, Michael Heseltine, un ex-ministre de la Défense, annonce qu’il conteste le leadership de Thatcher à la tête du parti. Le 20 novembre, celle-ci arrive en tête d'un vote pris au sein de la députation, avec l’appui de 204 députés contre 152 pour Heseltine. Sans attendre le second tour, Thatcher surprend en démissionnant. Dans les jours qui suivent cette annonce, tous reconnaissent son influence énorme, ses partisans mettant l’accent sur ses réalisations, ses détracteurs sur les inégalités sociales croissantes. John Major, le chancelier de l’Échiquier, lui succède le 27 novembre. Même s’il est perçu comme un candidat de la continuité, Major abolira la poll tax le 21 mars 1991. Sous lui, le PC remonte dans les sondages, pavant la voie à une autre victoire électorale le 9 avril 1992.

Dans les médias...

Jacques Leruez, « Fin de partie en Grande-Bretagne : bilan de l’ère thatchérienne »

«...(...) Mme Thatcher a été le Premier ministre le plus important depuis Churchill, avec sans doute aussi Attlee, Premier ministre travailliste de 1945 à 1951. La volonté de Margaret Thatcher a d’ailleurs été de remettre partiellement en cause l’œuvre d’Attlee, ou du moins de s’attaquer à la « dérive social-démocrate » qui était, selon elle, la cause première du déclin britannique. Le phénomène Thatcher ne peut se comprendre, en effet, que dans le contexte du déclin britannique d’après-guerre et de la situation d’impasse politique résultant des échecs économiques des gouvernements, la plupart travailliste, mais pas tous, qui se sont succédé entre 1964 et 1979. Le thatchérisme n’est pas pour autant un corps de doctrine absolument homogène, bâti à partir d'une conception cohérente de l’État et de la nation, comme était le gaullisme. Il s’agit plutôt d’idées éparses, de politiques conçues largement en réaction contre les idées reçues des deux décennies précédentes, en fonction de ce que Margaret Thatcher elle-même appelait ses « instincts ». En tout cas, depuis 1979, la Grande-Bretagne était devenue un vaste chantier de réformes plus ou moins ambitieuses et plus ou moins bien acceptées de l’opinion. Margaret Thatcher ne voyait en effet dans le consensus qu’une perte de temps, sinon une cause d’immobilisme. »

Études (France), janvier 1991, p. 159-160.

Michel Marian, « La démocratie a un pays : Albion »

«...Certes l’Europe n’est pas la seule cause du départ de Maggie. Le terrain était miné depuis plusieurs mois par l’affaire de la poll tax qui témoignait des abîmes d’injustice sociale dans lesquels pouvait verser une vision dogmatique de la maîtrise des dépenses publiques…Mais elle a été la cause immédiate de la dissidence du parti conservateur exprimée par la démission de Geoffrey Howe à la suite du sommet de Rome où le Royaume-Uni s’était retrouvé seul contre onze sur l’union économique et monétaire. Et l’intégration européenne est à l’évidence le titre du nouveau chapitre de l’histoire du pays que veulent conduire les tories. Défendre l’intérêt national dedans plutôt que de la proclamer dehors, redéfinir la souveraineté au sein d’un destin européen accéléré par la révolution à l’Est, tel est le choix que la Grande-Bretagne pouvait se permettre une fois rétablie sa confiance en soi par les années Thatcher, mais peut-être aussi qu’elle devait hâter depuis que se confirmait la meilleure tenue des monnaies et des économies continentales. L’éviction de Thatcher prouve que le déficit démocratique de l’Europe n’est pas si profond qu’on le dit et que les peuples savent marginaliser les gouvernements qui prennent l’Europe pour cible. »

Esprit (France), janvier 1991, p. 126-127.

François Caviglioli, « Les guerres de Margaret »

«...elle n’aimait pas la classe ouvrière, qu’elle jugeait dissimulée, flemmarde et sanguinaire, ni l’aristocratie, contre laquelle elle gardait une rancune de jeune fille pauvre et exclue. Elle était généralement indifférente aux souffrances des pauvres que son radicalisme tory aggravait. Mais elle a toujours éprouvé de la sollicitude pour les classes moyennes. De l’inquiétude. En 1981, lorsque des émeutes provoquées par le désespoir et le chômage éclatèrent dans les zones multiraciales de Brixton et de Toxteh, elle s’écria, en voyant les scènes de pillage à la télévision : « Oh ! Ces pauvres commerçants ! » (...) Margaret Thatcher a toujours respecté les dogmes du Parti conservateur. Ce sont ceux de sa famille. Pour elle, l’Angleterre doit être gérée comme l’épicerie de Daddy. C’est simple. Il suffit d’équilibrer les dépenses et les recettes. C’est Denis, son époux, qui a inventé le mot « thatchérisme », peut-être parce qu’il était fatigué de son rôle de Premier ministre consort et qu’il voulait laisser son nom dans l’Histoire. Mais Margaret Thatcher a toujours fait du thatchérisme sans le savoir. »

Le Nouvel Observateur (France), 29 novembre au 5 décembre 1990, p. 22.

Bruce W. Nelan, « A Legacy of Revolution »

«...It is also referred to as the Thatcher Revolution because the leader of the Conservative Party was a radical ideologue whose policies turned British society upside down. In recognition of her 11 ½ years in office and her immense achievements, historians will inevitably rank her alongside Winston Churchill as the greatest of this century’s British Prime Ministers. (…) Thatcher relinquishes power this week, but her legacy is firmly in place. Her potential Tory successors proudly describe themselves as disciples of Thatcherism and pledge to continue it. More impressive still is the opposition Labour Party’s turn from leftist economics and unilateral nuclear disarmament in the past three years toward more centrist policies to compete with Thatcherism at the polls. Even if Labour wins the next election, the public will not allow it to reassemble the huge governmental edifice Thatcher pulled down. Four years ago, Thatcher predicted, « I will think, historically, the term Thatcherism will be seen as a compliment. » As the proclaimed policies of ther potential successors and the opposition demonstrate, that has already come to pass. »

Time (États-Unis), 3 décembre 1990, p. 23.

Gouvernance et gouvernement [ 22 novembre 1990 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagRoyaume-UniÉlevéÉlisabeth IIJohn Major

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
flagflagflagflag

Obtenez des informations supplémentaires sur le profil général des pays, les gouvernants, le niveau de démocratie et les différents partis politiques ayant oeuvré sur la scène nationale depuis 1945.

Chronologie 1985 - 1995















Dans l'actualité