Décès du président angolais Agostinho Neto
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Agostinho Neto
Le 10 septembre 1979, Antonio Agostinho Neto Kilamba s’éteint à Moscou à la suite de complications lors d’une opération chirurgicale. Il a été le secrétaire général du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) et le premier président de la République populaire d’Angola de 1975 à 1979.
Agostinho Neto est originaire de Kaxikane, près de Luanda, la capitale de l’Angola. Avant de débuter sa carrière politique, Neto étudie la médecine et fait partie d’un mouvement qui veut faire revivre la culture angolaise traditionnelle, le pays étant une colonie portugaise. À cause de son association avec des mouvements de nationalistes africains et antifascistes, il est incarcéré de 1955 à 1957. En 1959, il retourne en Angola et continue de militer en écrivant un poème qui se veut un hymne au nationalisme héroïque angolais. En 1960, son militantisme l’envoie en prison, provoquant un mouvement de protestation populaire au cours duquel les militaires tuent 30 civils. Après deux ans d’emprisonnement au Cap-Vert et au Portugal, Agostinho Neto s’évade et s’exile au Maroc pour y diriger le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA); un mouvement anticolonialiste, indépendantiste et marxiste. À la suite de la révolution des Oeillets de 1974 au Portugal, l’indépendance de l’Angola est prévue pour le 11 novembre 1975. Considérant que le MPLA est le seul capable d’accéder au pouvoir, Neto se désigne président de la République populaire d’Angola, instaure une dictature marxiste-léniniste et érige le MPLA en parti unique. Il contrôle tout; la liberté d’expression est censurée et les droits civiques sont ignorés. Une tentative de putsch contre lui échoue en 1976. En 1979, Neto, gravement malade, se fait soigner par des spécialistes à Moscou. Le 10 septembre 1979, le père fondateur de la nation angolaise décède à l’âge de 56 ans. Les obsèques ont lieu à Luanda, le 17 septembre, en présence de cinq chefs d’État d’Afrique et de celui du Portugal. Le 20 septembre, le comité central du MPLA désigne José Edouardo Dos Santos, ministre de la Planification, pour diriger le parti et comme chef d’État. Il n’y a pas d’élections pour déterminer le nouveau président qui doit être confirmé par le prochain congrès du MPLA en mai 1980.
Dans les médias...
Jean-Pierre N’Diaye, « L’homme qui a gravi la montage »
«...Un homme prestigieux a disparu. Un dirigeant politique traqué et chef de guerre acculé à la guerre, et qui va la faire, gravissant une montagne jusqu’à sa crête. Je ne ferai pas son portrait ni le bilan de son action; les exégètes s’en chargeront. Comme Mao, de Gaulle, Nasser, Lénine..., Agostinho Neto aura été de ces rares hommes à qui l’histoire aura donné rendez-vous et qui auront accepté de s’y rendre, pour le meilleur et pour le pire. (...) le problème de l’Angola était international depuis le départ, parce que le Portugal était une colonie du capitalisme international. Toutes les grandes puissances – et donc toutes les contradictions – vont se trouver sur le champ de bataille, directement ou indirectement. Il y a longtemps que l’Angola est saignée et travaillée. Devant ce faisceau de contradictions, Neto réussira à planter l’indépendance angolaise. Avec toutes ses contradictions. Mais il l’a plantée. Il s’est agi alors de reconstruire dans la concorde nationale, d’entamer un processus de création et de maîtrise des organes institutionnels de l’État, la promotion des cadres nationaux : source de la souveraineté nationale. Et c’est là que la mort le surprend. C’est une volonté nègre, une volonté humaine devant laquelle l’Afrique doit se recueillir. »
Jeune Afrique (France), 19 septembre 1979, p. 38.
Augusta Conchiglia, « Le chêne qui s’abat »
«...Les énormes difficultés de la guerre contre les Portugais, les complots internes et les défections l’avaient rendu encore plus conscient de sa force et de ses responsabilités historiques. L’amertume l’avait pourtant envahi après le coup monté des fractionnistes, le 27 mai 1977, qui intervenait dans la période la plus difficile de la reconstruction nationale. Ces expériences avaient accru sa vigilance, durci son combat contre les forces attachées à freiner le processus révolutionnaire. Et il profitait de son prestige et de son autorité incontestée pour imprimer un dynamisme nouveau à la direction de la lutte, et pour faire appel au peuple afin qu’il juge l’œuvre de ses dirigeants. Il symbolisait pour les masses la ligne issue de la direction du Parti. Faisant jouer à plein, surtout depuis quelque temps, ses prérogatives constitutionnelles, il critiquait publiquement plus d’un organisme d’État, leur rappelant leurs objectifs et les y ramenant, rectifiant même leurs attributions. »
Afrique-Asie (France), 15 octobre 1979, p. 19.
J.B., « Angola : après Neto »
«...Mort d’un cancer du pancréas à Moscou où il se trouvait (comme Boumediène avant lui) en « visite d’amitié et de repos », Agostinho Neto laisse derrière lui un grand vide, beaucoup d’incertitudes, et pas mal de soucis pour le Kremlin, Washington et Pretoria. Le chef de l’État angolais avait, depuis quelques années, passablement retouché l’image de « valet de Moscou » que lui avait value l’entrée des troupes cubaines à Luanda, en 1975. On le considérait plutôt comme une sorte de Ceausescu : intraitable sur l’idéologie, mais souple et « réaliste » en politique étrangère. Bref, un interlocuteur de plus en plus crédible. Sa disparition, à 56 ans, sans successeur désigné, risque de remettre en question l’équilibre des forces dans cette partie « sensible » de l’Afrique australe. (...) C’est au sein du parti unique M.p.l.a. que va se jouer la guerre de succession. La « realpolitik » de Neto, qui a confié l’extraction du pétrole à des compagnies américaines, qui s’est réconcilié avec Mobutu le honni, qui a fait appel à la technologie occidentale, n’a pas que des partisans parmi les marxistes orthodoxes qui ont déjà tenté – et raté – un coup d’État en 1977. »
L’Express (France), 22 septembre 1979, p. 59.
S.A., « Angola : l’après Neto »
«...Aucun dirigeant de l’Afrique post-coloniale n’est arrivé au pouvoir dans des conditions aussi dramatiques qu’Agostinho Neto, mort à Moscou lundi dernier. (...) En dépit de l’aide décisive de l’U.R.S.S., Neto réussit à éviter toute inféodation inconditionnelle. Il laisse à ses successeurs un subtil édifice diplomatique dont les étages les plus récents comportent d’importantes percées économiques à l’Ouest, la normalisation des relations avec le Zaïre, la collaboration avec les Occidentaux dans les tentatives de règlement de l’affaire namibienne et l’amorce d’une coopération élargie avec la Communauté économique européenne. Personne ne peut dire aujourd’hui quelle partie de cet héritage les successeurs de Neto choisiront de privilégier. Ce qui est sûr, c’est que le président angolais disparait à un moment crucial, alors que l’Afrique du Sud en Namibie et sur la frontière angolaise une politique offensive que les pays occidentaux – et en particulier l’Amérique affaiblie de Carter – ne semblent plus très désireux, pour l’instant, de contenir. »
Le Nouvel Observateur (France), 17 septembre 1979, p. 46.
Gouvernance et gouvernement [ 10 septembre 1979 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
---|---|---|---|
![]() | Faible | José Eduardo dos Santos | poste aboli |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).