4 mai 2025
29 avril 1992

Déclenchement d’émeutes à Los Angeles, aux États-Unis

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Le verdict d’acquittement de policiers accusés d’usage excessif de la force contre Rodney King, un Afro-Américain de 27 ans, provoque une flambée de violence à Los Angeles, où les incidents ont eu lieu. Le bilan de ces six journées turbulentes, du 29 avril au 4 mai 1992, est désastreux : une cinquantaine de personnes tuées et environ 1 milliard de dollars de dégâts matériels.

Après avoir conduit à une vitesse excessive, Rodney King est arrêté par la police de Los Angeles le 3 mars 1991. Face à sa résistance, les policiers utilisent un pistolet Taser, puis, alors qu’il est au sol, le frappent à coups de bâtons. La scène, qui est captée sur vidéo par un habitant du secteur, choque l’opinion publique. King, qui a déjà eu des démêlés avec la justice, sera libéré. En mars 1992, un procès est tenu pour les quatre policiers impliqués qui sont accusés d’usage excessif de la force. Leur acquittement par un jury majoritairement blanc, le 29 avril 1992, déclenche des émeutes en Californie et des démonstrations de colère dans plusieurs villes des États-Unis. Le maire de Los Angeles, Tom Bradley, décrète l’état d’urgence, alors que les policiers, débordés, reçoivent l’aide de milliers de soldats et Marines. Le 1er mai, King lui-même fait un appel au calme. La plupart des hostilités cessent le 4 mai. Le bilan à Los Angeles est énorme : une cinquantaine de morts, plus de 2000 blessés, des milliers d’arrestations et environ 1 milliard de dollars en dommages matériels. Selon les analystes, le verdict du procès King a servi de détonateur à une situation déjà explosive. La pauvreté et le chômage ont été exacerbés par la récession du début des années 1990. Il y a aussi des relations difficiles entre certains groupes ethniques et la police de Los Angeles, de même que des tensions entre ces mêmes groupes ethniques. C’est le cas par exemple des Américains d'origine coréenne dont les commerces sont ciblés par les vandales. Les émeutes de Los Angeles provoquent une réflexion sur de délicates questions comme les relations sociales aux États-Unis ou l'impact de l’inégalité des revenus. Un autre procès contre les policiers a lieu en avril 1993. Deux d’entre eux sont acquittés, tandis que les deux autres reçoivent des peines de prison. Rodney King obtient pour sa part 3,8 millions de dollars en compensation de la Ville de Los Angeles.

Dans les médias...

Philippe Coste, « Le cauchemar américain »

«...Au lendemain de Watts, Martin Luther King, en visite dans les rues dévastées, avait eu ce mot : « Je me suis battu pour que les Noirs aient le droit d’acheter des hamburgers. Maintenant, ils demandent l’argent pour les payer. » Vingt-sept ans plus tard, sur Normandie Avenue ravagée, son ancien disciple, le pasteur Jessie Jackson ne parvient pas à trouver une phrase si historique. Les chefs de la communauté noirs sont partis pour Washington demander à George Bush d’aborder en leader moral le problème racial américain. Le président a répondu par des millions de dollars de subventions. Pour le reste, que faire. Bill Clinton, candidat démocrate, a bredouillé un vœu pieux et Pat Buchanan, l’ultradroitiste républicain, s’est fendu d’un couplet indigent sur la pornographie et le laxisme moral, parents de tous les vices. Un désastre politique d’autant plus criant que, après le débat hargneux sur l’avortement, la sécurité sociale et l’éducation publique, les électeurs, soudain paniqués par les émeutes, vont demander un miracle à leurs politiciens discrédités : résorber ce tiers-monde enchâssé dans le joyau de l’économie mondiale, au sein même de la première puissance planétaire. Joli programme. »

L’Express (France), 15 mai 1992, p. 15.

R. Ottaviano et Rosa Marsh, « Los Angeles : au-delà des décombres »

«...Sitôt la mèche éteinte, l’intelligentsia de gauche américaine se précipite là où elle se sent le plus à l’aise : autour d’une table de négociations avec les représentants d’un système qu’il s’agit d’adoucir et de bricoler. Le combat continue ? Si peu, et à huis clos, dans le confort discret des belles envolées lyriques et des bonnes intentions. (...) Exclue du système politique par la classe dirigeante et du combat politique par ceux-là mêmes qui prétendent la représenter, la masse des déshérités et des désoeuvrés observe, de loin et d’en bas. La violence désordonnée et désorganisée naît toujours de ce sentiment d’être superflu. Aucune organisation politique ne peut prétendre véritablement ordonner et discipliner cette colère. Mais elle peut, à tout le moins, l’orienter dans une direction constructive, lui fournir repères et objectifs à long terme. Faute de quoi, la politique se réduit à son expression soit la plus brute, soit la plus stérile : l’émeute populaire ou la table ronde élitiste. Les journées sanglantes de Los Angeles ne sont que de nouveaux indices de ce que l’on sait depuis fort longtemps. Rêvant à voix haute de justice économique, mais refusant de s’en donner les moyens, la gauche américaine n’a des changements sociaux que l’image d’une astucieuse réforme habilement imposée par le directeur éclair d’un organisme de l’État. »

Le Nouvel Afrique-Asie (France), juin 1992, p. 42-43.

Rémi Godeau, « États-Unis : « no justice, no peace »

«...Les candidats à l’élection présidentielle sont conscients que les « banlieusards » contrôlent la destinée du pays puisque un Américain sur deux vit en banlieue. Si elle n’est pas majoritairement raciste (73 % des Blancs récusent le verdict du procès de Rodney King), la middle class n’acceptera pas pour autant un transfert massif de ses revenus vers les centres-villes. « La principale différence entre les émeutes d’aujourd’hui et celles des années soixante, c’est que la réserve de sympathie de l’Amérique blanche à l’égard des minorités n’existe quasiment plus, explique à l’hebdomadaire français Le Point le sociologue Charles Murray. Le sentiment de compassion et le sens du partage ont été remplacés par les statistiques sur la criminalité et les chiffres du déficit budgétaire. » Au fond, la coupure entre les deux Amériques repose moins sur la race que sur les disparités sociales et les différences culturelles. Les Noirs pensent qu’ils n’obtiendront jamais justice dans un pays à la solde des Blancs qui, à leur tour, craignent le soulèvement des minorités marginalisées. Les graffitis sur les murs de Los Angeles n’ont pas encore été effacés. « No justice, no peace », ce cri de rage des laissés-pour-compte du rêve américain résonne comme un avertissement adressé à la société américaine. »

Jeune Afrique (France), 21 au 27 mai 1992, p. 42.

Tim Mathews et al., « The Siege of L.A. »

«...The 56 video-taped blows administered by Los Angeles police to Rodney King last year had landed hard on everyone’s mind. But they fell like feathers on a suburban jury that acquitted the cops of using excessive force. « That verdict was a message from America, » said Fermin Moore, owner of an African artifacts shop near Inglewood. The reply from the inner city was a reciprocal « F – you. » First, South-Central blew. Then fires licked up to Hollywood, south to Long Beach, west to Culver City and north to the San Fernando Valley. The nation’s second largest city began to disappear under billows of smoke. Inevitable, the catastrophe summoned up memories of Watts; but the differences were more striking than the similarities. « All you had then was bottles and bricks, » said one blood, opening his trunk to show his stash of automatic weapons. « That ain’t it now – this ain’t gonna be like the ‘60’s. » Despite his bravado, the incendiaries this time were a more mixed bag. Instead of enraged young black men shouting, « Kill Whitey, » Hispanics and even some whites – men, women and children – mingled with African-Americans. The mob’s primary lust appeared to be for property, not blood. (...) « This wasn’t a race riot, » said urban sociologist Joel Kotkin of the city’s Center for the New West. « It was a class riot. » »

Newsweek (États-Unis), 11 mai 1992, p. 30.

Gouvernance et gouvernement [ 29 avril 1992 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagÉtats-UnisÉlevéGeorge H.W. Bush

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
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