Référendum défavorable au président chilien Augusto Pinochet
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Augusto Pinochet
Les Chiliens se prononcent à 54,7% contre le retour au pouvoir du général Augusto Pinochet qui est à la tête du pays depuis 1973. Ce dernier complétera toutefois son mandat à la présidence qui se termine en mars 1990.
L'opposition au régime d'Augusto Pinochet se tonifie au cours des années 80, même si les demandes pour une plus grande démocratisation se heurtent à la répression. En octobre 1988, une consultation populaire est organisée afin de permettre au chef de l'État de rester en poste jusqu'en 1997. Une coalition de plusieurs partis défavorables à Pinochet mène une vigoureuse campagne et obtient l'appui de 54,7% des électeurs. En juillet 1989, la population se prononce à 85,7% en faveur de changements constitutionnels démocratisant la vie politique chilienne. Le 14 décembre 1989, des élections permettent de déterminer un successeur à Pinochet qui quittera ses fonctions à la fin de son mandat, en mars 1990. Le démocrate-chrétien Patricio Alywin Azocar, candidat unique de l'opposition, remporte une victoire facile. Avec 55,2% des voix, il devance largement son plus proche rival, l'ex-ministre des Finances Hernan Büchi, qui a la confiance de 29% des électeurs. Le nouveau président entrera en fonction en mars 1990 alors que Pinochet demeurera commandant en chef de l'armée de terre.
Dans les médias...
Jacques Espérandieu, «Pinochet : après moi ? Moi !»
«...Failles, fissures, brèches. Et espoir pour l'opposition, évidemment tentée de s'y engouffrer. Enfin, quand on dit «s'engouffrer»... Rarement, sans doute, aura-t-on vu dans le monde, politiciens aussi frileux au soir d'un triomphe électoral (...) Prudence bien compréhensible, pourtant, tant l'opposition chilienne va devoir jouer serré. Son objectif ? Obtenir des forces armées les modifications constitutionnelles susceptibles de hâter la «transition pacifique et ordonnée» vers la démocratie pleine et entière souhaitée par la grande majorité des Chiliens. Condition sine qua non ? Isoler Pinochet du reste de la junte, éviter coûte que coûte une «bunkérisation» du régime vaincu. D'où la multiplication des appels du pied, à peine discrets, lancés depuis une semaine aux «uniformados». De véritables déclarations d'amour.»
L'Express (France), 21 octobre 1988, p. 32.
Jorge Edwards, «La victoire du Non au Chili»
«...La campagne officielle pour le plébiscite du 5 octobre n'a cessé de répéter et de développer une idée élémentaire, déjà utilisée avec insistance et sottise durant les quinze années de la dictature : la menace de la guerre civile, et du retour de l'Unité populaire et du communisme. Le chef de la Marine en est arrivé à dire que le plébiscite serait l'aboutissement d'une lutte entre le bien et le mal, entre les dieux et les forces démoniaques. En d'autres mots, la propagande était inséparable de ce thème de la guerre et de la névrose qui lui est propre. Il fallait voter par peur du démon et pour que les hordes communistes ne s'emparent pas de la rue. La campagne de l'opposition, sans se prêter à des excès, a recouru à deux antidotes qui se sont révélés fort efficaces : l'humour et la mémoire. Et l'annonce que la joie allait revenir (...) Ce fut également un exorcisme : l'occasion d'expulser bien des démons qui avaient empoisonné l'esprit national. À la fin de la journée, au moment de fermer les bureaux, les représentants du gouvernement et les opposants ont curieusement fraternisé.»
Esprit (France) reproduit de ABC (Espagne), décembre 1988, pp. 160-161.
Albert Juneau, «La défaite de Pinochet»
«...Cette première victoire de la démocratie est-elle irréversible ? C'est la question qui se pose désormais. En tenant un plébiscite, Pinochet a ouvert une boîte de Pandore. Tel un despote éclairé, le dictateur a voulu montrer que son régime militaire, loin d'être répudié par la population, jouissait d'un appui sûr. Il a risqué de jouer à la démocratie : il a levé plusieurs vannes qu'il avait laissé fermées durant plusieurs années. Il aura grand peine maintenant à les rabaisser, à moins qu'il rejette le gant de fer de la répression (...) Pinochet a forcé les seize partis de l'opposition (plus le Parti communiste) à oublier un instant leurs divisions et à s'unir contre la dictature. En battant le général, la coalition du «non» se renvoit à elle-même la balle : elle doit relever le défi de poursuivre dans la voie démocratique sans créer d'instabilité, c'est-à-dire sans donner prétexte à l'armée de se maintenir plus longtemps au pouvoir.»
Le Devoir (Québec, Canada), 7 octobre 1988, p. 8.
Éditorial
«...The people of Chile have sent a clear message to their military rulers -demanding the return of democracy to a land where freedom has deep roots (...) Now the road ahead is murky. Assuming an honest count, the plebiscite still meant that 45 percent of Chileans preferred a continuation of dictatorship to the uncertainties of democracy. Furthermore, it may be difficult for the fractured democratic forces to work together. Sixteen parties joined in a coalition to lead the anti-Pinochet campaign. They could fragment as their leaders jockey for the presidency itself. At best, Chile took only a first step toward democracy last Wednesday. But it is certainly a step in the right direction. Elected civilian rule has replaced the military in Argentina, Bolivia, Brazil, Ecuador, Peru and Uruguay in the past decade. There is now reason to hope that Chile, true to its proud tradition, may soon rejoin its neighbors in the ranks of free nations.»
The Denver Post (États-Unis), 9 octobre 1988.
Gouvernance et gouvernement [ 5 octobre 1988 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Faible | Augusto Pinochet |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).