Intervention militaire sur la place Tian'anmen, en Chine
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Résistant à l'armée, symbole des événements de la place Tien-An-Men
Deux semaines après avoir proclamé la loi martiale, le gouvernement chinois intervient militairement sur la place Tian'anmen, à Beijing, afin de briser le mouvement de contestation qui secoue le pays.
Le 22 avril 1989, des foules immenses assistent aux funérailles de Hu Yao-Pang, un ex-secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) connu pour ses idées libérales. Au cours des semaines qui suivent, la contestation persiste, portée par des milliers d'étudiants qui réclament une plus grande démocratisation du régime. L'ampleur du mouvement, appelé aussi «printemps de Beijing», perturbe quelque peu la visite historique qu'effectue le leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev à la mi-mai. Après son départ, le secrétaire général du PCC, Zhao Ziyang, demande en vain aux étudiants de cesser leurs manifestations et la grève de la faim entreprise par certains d'entre eux. Le 20 mai, le premier ministre Li Peng instaure la loi martiale. Ziyang est limogé et, après une période d'hésitation, les tenants de la ligne dure décident d'intervenir militairement le 3 juin. Les combats inégaux qui se déroulent place Tian'anmen, à Beijing, et dans d'autres villes chinoises, font plus d'un millier de morts. Des arrestations et des exécutions seront effectuées dans les jours qui suivent, soulevant l'indignation autour du globe.
Dans les médias...
Jean Lerclerc du Sablon et Henri Eyraud, «Chine : massacre pour une succession»
«...Pour le monde entier, qui suit jour après jour, depuis la mi-avril, pratiquement en direct, le feuilleton tragique «Tiananmen, place de la Liberté», pour l'Histoire aussi, ce ballet du tank et du Pékinois inconnu restera un symbole. L'image du courage. De celui qu'il faut pour se dresser contre la force d'un Parti communiste qu'on croyait omnipotent. Contre l'héritage féodal d'une Histoire qu'on jugeait trop lourde. «Dès que l'armée entrera, ils fileront tous comme des lapins», avait prédit un diplomate. Ils ont tenu bon, les Pékinois, étudiants, employés, badauds, cloués par milliers, à jamais, sur le sol qui était le leur. Leur témérité, leur sacrifice paraissaient avoir précipité l'heure d'une confrontation militaire d'une ampleur jamais connue par la vieille capitale. Ceux qui donnaient plutôt l'impression d'avoir déserté étaient leurs dirigeants (...) En quelques jours, tout le passé de la Chine a resurgi. Combien d'empereurs ont ainsi répondu à une révolte par l'extermination de populations de districts entiers ! Combien d'armées ont ainsi envahi les villes !»
L'Express (France), 16 juin 1989, p. 6.
Jean-Philippe Béja, «L'ordre règne à Pékin»
«...Oui, la société chinoise a mûri depuis la Révolution culturelle. Malheureusement, le régime, lui n'a pas changé. La crise du printemps 1989, pendant laquelle le peuple (si ce terme a un sens, c'est bien là) s'est calmement affirmé comme sujet de son histoire, comme entité avec laquelle le régime devait compter, s'est terminée par une guerre lancée par le régime. Quelle incroyable incompétence ! Lorsque les dirigeants ne sont même pas capable de gérer un mouvement non violent dont la seule revendication est d'être reconnu, il est au bord du gouffre. Or, quelles réponses a trouvé le politicien roué apparu deux fois comme l'homme de l'année à la une de Times, si admiré des experts et des politiciens occidentaux ? Envoyer les tanks pour faire la guerre au peuple dont il avait la charge. Et quelle armée ! des troupes qui, lorsqu'elles se sont trouvées en face d'hommes armés, au Vietnam, en 1979, ont pris une déculottée dont elle se souviennent encore. Aujourd'hui, le régime -mais s'agit-il encore d'un régime, d'un système politique ? que lui reste-t-il en dehors des flics et de quelques corps d'armée dont il n'est même pas sûr?- est à l'image de ces soldats perdus, assassins sans programme, sans tactique et sans stratégie.»
Esprit (France), juillet-août 1989, p. 7.
Jean Daniel, «Le chaos des empires»
«...Deng Xiaoping vient d'apprendre, à ses dépens, que c'est plus souvent aux réformateurs, qui leur en ont redonné le goût, qu'aux dictateurs, qui leur en avaient fait perdre le souvenir, que les peuples entreprennent d'arracher la liberté. Il faut pour cela que la situation soit mûre, c'est-à-dire instable, que le gouvernement soit faible, c'est-à-dire divisé; que l'armée soit incertaine, c'est-à-dire mal commandée. Alors la liberté peut se conquérir. Mais elle peut aussi se payer très cher. C'est ce qui est en train de se passer à Pékin et qui pourrait se passer ailleurs. Pourquoi pas à Moscou ? Et cela, au grand effroi des diplomates et des stratèges occidentaux qui viennent, paniqués, d'inventer une nouvelle science : the management of the impredictable (la gestion de l'imprévisible). Du temps des empires, tout était planifié. Avec l'équilibre de la terreur, tout était garanti. Aujourd'hui, avec la contagion de la liberté, tout devient épique. Et on ne sait plus rien sur l'avenir d'aucun des pays d'hier sous dictature. C'est comme une décolonisation avortée.»
Le Nouvel Observateur (France), 15 au 21 juin 1989, p. 29.
Frédéric Wagnière, «La Chine fait un grand bond en arrière»
«...Ils (les dirigeants du Parti communiste) voulaient bien jouer le jeu de la démocratie tant que leur autorité n'était pas diminuée, mais ils n'étaient pas prêts à subir les conséquences de la libéralisation de l'économie. Ils se sentent donc menacés par les étudiants qui réclament sur le plan politique ce qu'ils ont de plus en plus sur le plan économique. La répression à Beijing met fin à une très courte période dont la Chine pouvait être si fière. Cela fait des siècles qu'elle vacille entre le rejet des contacts avec l'étranger et l'abrutissement obscurantiste, d'une part, et une dépendance abjecte des puissances étrangères, de l'autre. Depuis dix ans, la Chine s'ouvre à l'étranger, affirme son indépendance et, mieux, est citée en exemple de développement économique. Ce dynamisme économique et culturel est inexistant sans la participation et l'enthousiasme des jeunes. Jaloux de son prestige et de sa primauté, le parti communiste vient de creuser un fossé entre lui et l'avenir de la Chine.»
La Presse (Québec, Canada), 5 juin 1989, p. B2.
Winston Lord, «China and America : Beyond the Big Chill»
«...Il may well turn out that the tragic events in China this year have foreshortened that great nation's march toward democracy. The forecast had been for gradual, spasmodic progress toward a freer society, impelled by the demands of a more market-oriented economy and growing interaction with the world. Now, after experiencing the giddy liberating weeks of last spring that preceded the great leap backward, the Chinese people may not settle for incremental advance. Once the hard-liners leave, we may see a more determined move toward pluralism and openness. To be sure, China will not become like a Western democracy. Like the Soviet Union and Eastern Europe it will face a perilous transition from one system to another. But by the end of the century the Chinese may well enjoy a freer press, a more highly developed legal system and a more open political process that would have been the case without the dark phase now being endured.»
Foreign Affairs (États-Unis), automne 1989, p. 7.
Gouvernance et gouvernement [ 3 juin 1989 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Faible | Yang Shangkun | Li Peng |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).