5 avril 2025
7 janvier 2019

Tentative de coup d’État au Gabon

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Le 7 janvier 2019, alors que le président du Gabon est en convalescence à l’extérieur du pays, un groupe de militaires, dirigés par le lieutenant Ondo Obiang Kelly, tente de prendre le pouvoir dans la capitale Libreville. Leur projet tourne cependant à court et les mutins sont neutralisés quelques heures à peine après le début du coup.

Ali Bongo, le fils de l’ex-président Omar Bongo (1967-2009), dirige le Gabon depuis 2009. Il est réélu dans la controverse en 2016. Son adversaire Jean Ping dénonce la légitimité des résultats, mais la contestation qui suit est durement réprimée. Les législatives prévues par la suite sont reportées et tenues le 24 octobre 2018. L’annonce des résultats du premier tour, nettement remporté par le Parti démocratique gabonais (PDG) de Bongo, se déroule dans un contexte particulier. On apprend alors que le président est en convalescence en Arabie saoudite, officiellement pour une « fatigue sévère » due à un surmenage. Dans plusieurs médias, on croit toutefois que celui-ci a subi un accident vasculaire cérébral. Des pouvoirs sont délégués au premier ministre et au vice-président, ce qui selon l’opposition contrevient à la Constitution. Les partisans de Ping, qui se dit prêt à assumer la présidence, contestent cette décision. Bongo, qui a été transféré au Maroc, s’adresse finalement aux Gabonais le 31 décembre à la télévision. Sa prestation donne cependant l’impression que sa santé est chancelante. Le 7 janvier 2019 au matin, un petit commando, dirigé par un jeune lieutenant de 26 ans, Ondo Obiang Kelly, prend le contrôle de la Radio Télévision gabonaise. Au nom du Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité du Gabon, il dénonce la volonté du président de s’accrocher au pouvoir. Il appelle aussi la population à un soulèvement et annonce l’établissement d’un Conseil national de restauration chargé de « sauver le Gabon du chaos ». Le coup tourne cependant à court rapidement, les mutins étant tués ou arrêtés par un groupe d’intervention de la gendarmerie dans les heures suivant cette déclaration. La situation du chef de l’État continue néanmoins d’inquiéter, celui-ci n’effectuant qu’un bref passage au pays le 15 janvier avant de poursuivre sa convalescence au Maroc.

Dans les médias...

Vincent Hugeux, « Gabon : ce que révèle le putsch manqué »

«...L'épisode de l'AVC a par ailleurs mis en lumière le dévoiement chronique d'institutions confisquées par une caste soucieuse de perpétuer son emprise. Plutôt que de constater la vacance du pouvoir, la Cour constitutionnelle, dirigée par une ex-compagne de Bongo-père, a choisi de transférer l'essentiel des prérogatives du chef de l'État au Premier ministre et au vice-président. Et ce au prix d'une douteuse acrobatie juridique. Il ne s'agissait là, il est vrai, que du énième avatar de la dérive d'une démocratie elle aussi gravement malade. [...] D'autant que la grogne sociale s'en mêle. Dépendante d'un pactole pétrolier déclinant, anémiée par la dégringolade des cours du brut, l'économie gabonaise végète, tandis qu'éclosent partout conflits du travail, grèves et débrayages, reflets d'une rancoeur également patente dans la fonction publique, l'enseignement et sur les campus des universités. C'est ainsi : cette ébauche de putsch du 7 janvier 2019 paraît vouée à enrichir la collection africaine, très fournie, des coups d'État avortés. Mais pas plus que son succès n'aurait guéri le Gabon de ses maux, son échec ne résout quoi que ce soit. »

L’Express (France), 7 janvier 2019.

Guillaume Guguen, « Putsch raté au Gabon : l’élection contestée d’Ali Bongo en 2016 a laissé des traces »

«...Pour [le journaliste] Louis Magloire Keumayou, les contestations de 2016, au cours desquelles plusieurs ténors du parti présidentiel sont partis, "ont laissé des traces". "La scission qu'il y a eu au sein du PDG en 2009, puis avec la société civile en 2016 et maintenant avec les militaires montre qu'on est dans une phase de défiance qui a dépassé les limites de la contestation populaire, indique-t-il. Même si, lundi, il ne s'agissait que d'un "coup d'État de témoignage", c'est-à-dire symbolique, il y a quelque chose de très profond. C'est une contestation qui prend de l'ampleur, et qui ne s'est pas éteinte avec la fin des élections". [...] Dans leur adresse à la RTG, les militaires putschistes ont d'ailleurs dénoncé la "confiscation du pouvoir par ceux qui, le 31 août 2016, ont fait assassiner nos jeunes compatriotes", en référence aux troubles qui avaient suivi la réélection d'Ali Bongo. Si les raisons du malaise qui règne au Gabon sont connues, reste une question, selon [le journaliste] Christophe Boisbouvier. "D'où vient la tentative de coup d'État ? Vient-elle d'une partie du clan du pouvoir qui a peut-être peur de perdre le pouvoir à cause de la maladie du président ? Vient-elle de l'opposition qui veut justement profiter de la maladie ? Ou vient-elle d'une troisième force ? Cela reste la grande inconnue." »

France24 (France), 8 janvier 2019.

S.A., « À Libreville, un putsch raté révélateur du malaise gabonais »

«...Si Ali Bongo est un ami affirmé de Paris depuis que Nicolas Sarkozy a soutenu sa conquête du pouvoir en 2009, c'est au Maroc qu'il trouve son plus solide soutien, une vieille amitié le liant à Mohammed VI. Ainsi, alors que le président gabonais poursuit sa convalescence à Rabat, le souverain chérifien était dans sa résidence de la pointe Denis, à quelques kilomètres de Libreville, de l'autre côté de l'estuaire, lors de la tentative de putsch. Les services marocains ont-ils contribué à la mettre en déroute ? La France, qui possède 350 soldats au Gabon, a-t-elle, plus discrètement que par le passé, soutenu l'héritier des Bongo ? Ces questions agitent les esprits à Libreville, sans qu'il soit encore possible d'y répondre. [...] Une autre suspicion est celle d'une tentative de putsch téléguidée depuis l'intérieur du pouvoir. Selon plusieurs initiés du palais, l'absence prolongée d'Ali Bongo a ravivé la lutte des clans déjà à l'oeuvre, et le coup d'Etat raté pourrait faire les affaires des « sécurocrates », dont la figure la plus citée est Frédéric Bongo, demi-frère du président et patron des services de renseignements, en rivalité avec le directeur de cabinet du président, Brice Laccruche Alihanga, et la première dame, Sylvia Bongo. Le pouvoir gabonais est depuis des décennies un théâtre d'intrigues où les haines et les rancoeurs s'apaisent dans la distribution de prébendes. Cependant, depuis la présidentielle de 2016, la donne a changé. Aux yeux d'une bonne partie de ses concitoyens, Ali Bongo « le mal aimé » est devenu Ali Bongo « l'illégitime ». »

Le Monde (France), 9 janvier 2019.

Ineke Mules, « Botched Coup Highlights Gabon’s Uncertain Future »

«...Although it's not unheard of for African leaders to rule from their sickbeds abroad (IL), Bongo's extended absence has effectively left Gabon without a functioning government. The Constitutional Court has shifted some of Bongo's presidential powers to Prime Minister Emmanuel Issoze-Ngondet and Vice President Pierre-Claver Maganga Moussavou, but there is a tangible feeling of unease over the country's increasingly conspicuous power vacuum. This, paired with the fact that Bongo has faced ongoing allegations of corruption and human rights abuses, means Gabon's political future remains unclear. [...] Over the years, military coups have become rarer across Africa. Even last year's well-publicized coup in Zimbabwe, which led to the removal of longtime President Robert Mugabe, was talked down by members of his own party. But when unpopular African leaders such as President Ali Bongo cling to power, attempted coups don't always come as a surprise -- even those severely lacking in numbers and a military strategy. »

All Africa, 10 janvier 2019.

Gouvernance et gouvernement [ 7 janvier 2019 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagGabonLimitéAli Bongo OndimbaJulien Nkoghe Bekalé

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
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