15 mars 2025
13 février 1976

Démission du président du conseil de Lockheed à la suite d’un scandale de corruption

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Après l'avoir nié pendant des mois, l'entreprise aéronautique étatsunienne Lockheed avoue en 1975 avoir payé plusieurs millions de dollars en pots-de-vin à des officiels et des politiciens étrangers pour obtenir des contrats. Les réactions virulentes incitent le président Daniel Haughton à démissionner le 13 février 1976.

L'entreprise aéronautique Lockheed est empêtrée dans un important scandale de corruption. En 1975, il a été révélé à la commission Church, formée aux États-Unis à la suite du scandale du Watergate, que cette entreprise a payé plusieurs politiciens étrangers depuis le début des années 1970 dans le but d'acquérir des contrats. Ceux-ci concernent en majeure partie l'avion de chasse F-104 Starfighter, mais aussi des avions commerciaux. Lockheed nie les faits pendant plusieurs mois, mais admet finalement la vérité en 1975. Cette affaire de corruption aux répercussions importantes est amplifiée par le fait que le Starfighter connait des difficultés techniques. Entre 1961 et 1989, plus de 200 F-104 de la Luftwaffe s'écrasent, causant ainsi la mort de 100 pilotes. Les Allemands surnomment d’ailleurs le modèle « faiseur de veuves ». Au total, 22 millions $ auraient été versés en pots-de-vin à des officiels et politiciens étrangers entre 1968 et 1975. Parmi les noms les plus connus entachés par le scandale, soulignons ceux du ministre de la Défense de l'Allemagne de l'Ouest Franz Josef Strauss, du prince Bernhard des Pays-Bas ou du premier ministre japonais Kakuei Tanaka et d’autres membres de son gouvernement. Les réactions sont virulentes envers l'entreprise, autant aux États-Unis qu'à l'international. L'affaire arrive d'ailleurs à un bien mauvais moment pour Lockheed. En effet, l'entreprise connait une situation financière à ce point difficile qu’elle risque la faillite. Cette situation chaotique force le président de Lockheed, Daniel Haughton, ainsi que le vice-président et directeur général, Carl Kotchian, à démissionner en février 1976. Robert W. Haack, un banquier, occupera la présidence de l'entreprise qui parviendra à survivre.

Dans les médias...

S.A., « Une victoire pour M. Miki »

«...C'est donc au Japon que le scandale des « pots-de-vin » versés par Lockheed aura eu les plus grandes répercussions politiques. M. Tanaka, ancien premier ministre, est, en effet, une personnalité de premier plan, sur la scène locale comme à l'étranger. Partout ailleurs les enquêtes paraissent plus ou moins bloquées. [...] La corruption fait, certes, des ravages dans tous les pays industrialisés, tout comme d'ailleurs dans le tiers-monde. Cependant, l'argent joue un rôle particulier dans la vie politique nippone. Il coule à flots avant chaque élection, et la presse a pu, sans provoquer un trop grand émoi, publier le « coût » du vote d'un député lors de la nomination d'un premier ministre. La rigidité d'un système traditionnel sur lequel ont été plaqués, en 1945, les mécanismes de la démocratie, l'absence d'alternance au pouvoir et d'une véritable expression de la gauche depuis vingt ans, ont, pour reprendre l'expression d'un grand quotidien de Tokyo, « structurellement corrompu » la vie politique. En fait, si M. Tanaka est aujourd'hui inculpé, c'est peut-être avant tout pour n'avoir pas joué le jeu : il a agi sans vergogne dans une société où il est préférable d'opter pour les demi-teintes. »

Le Monde (France), 28 juillet 1976, p. 1.

Jean Geoffroy, « Une cellule pour Tanaka »

«...Ce geste lui (le premier ministre Takeo Miki) a valu l'admiration des Japonais. « C'est un héros, il a osé faire l'infaisable », dit-on de lui. Mais on peut se demander où le mènera ce regain de popularité et si, aux élections de la Chambre basse, à l'automne prochain, le mouvement anti-Tanaka ne se changera pas en mouvement anti-L.D.P. Dans cette dernière hypothèse, il pourrait fort bien perdre son fauteuil de Premier ministre... Au-delà de l'échéance électorale, les effets de l'arrestation de Tanaka et de l'éveil politique du peuple japonais sont difficiles à évaluer. Pour certains, la perte de prestige des vieux politiciens du L.D.P. ouvrira la voie à une nouvelle génération d'hommes politiques capables d'assumer la direction du parti et de la nation. D'autres estiment que le L.D.P., touché à mort, devra laisser la place à une coalition gouvernementale - la première au Japon depuis la guerre. Il semble en tout cas que l'opinion publique est satisfaite d'avoir pu, pour une fois, fût-ce à la faveur d'un scandale, faire entendre sa voix. »

Le Nouvel Observateur (France), 9 août 1976, p. 32.

Albert Brie, « Les pots-de-vinaigre »

«...Pour la compagnie Lockheed, l’affaire des pots-de-vin me porte pas grand préjudice au capitalisme américain. On en vient même à dire qu’elle est de bonne guerre, entendu que la probité n’a rien à voir avec les requins, les sangsues, les loups et les chacals qui composent la faune des multinationales. Il en va autrement des personnages politiques de haute volée, de qui on attend un minimum d’intégrité, de conscience, de pudeur. En se commettant avec des rastaquouéres, ils s'éclaboussent de façon indélébile. Tout en bas, le citoyen ordinaire finit par perdre confiance dans ce qui s'était appelé ses élites, ses guides. Il commence à comprendre qu’il n’y a plus d'incorruptibles. Il découvre que l'honnêteté aussi est à vendre et que, plus elle est scrupuleuse, plus elle coûte cher. »

Le Devoir (Québec, Canada), 25 février 1976, p. 3.

S.A., « The Big Payoff »

«...Whatever excuses might be offered for bribery – Pentagon pressure, foreign extortion, « Everybody does it » - the practice has become intolerable. Tips to customs officials to perform duties that they ought to carry out anyway might be unremarkable ethically, but payments to Cabinet ministers to put a U.S. company’s interests ahead of those of their own country are totally immoral and strike at the very basis of democratic government. Economically, bribery may increase a company’s sales and profits for a time, but ultimately the practice is self-defeating – as Lockheed is now learning. Some of the U.S. executives who authorized bribes undoubtedly thought they would never be discovered, but they have been, and are costing the companies much-needed sales. Worse, the disclosures could well put a dent in the foreign business of other American corporations that are wholly innocent of any wrongdoing. »

Time (édition canadienne), 23 février 1976, p. 45.

Gouvernance et gouvernement [ 13 février 1976 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagÉtats-UnisÉlevéGerald R. Ford

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
flagflagflagflag

Obtenez des informations supplémentaires sur le profil général des pays, les gouvernants, le niveau de démocratie et les différents partis politiques ayant oeuvré sur la scène nationale depuis 1945.

Chronologie 1971 - 1981























































Dans l'actualité