Création aux États-Unis de la Commission Church sur le renseignement
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Gerald Ford
Alors que la confiance du public envers les divers services de renseignement des États-Unis décline, une commission sénatoriale est formée dans le but de faire la lumière sur les activités de la Central Intelligence Agency (CIA). Plusieurs actions sont révélées, notamment celles concernant la mort de dirigeants étrangers ou des coups d’État.
La confiance du public envers les services de renseignement s'effrite à la suite du scandale du Watergate. En plus de cette révélation, un article choc du New York Times, publié le 22 décembre 1974, affirme que la Central Intelligence Agency (CIA) a effectué de l'espionnage en sol étatsunien, pourtant hors de sa juridiction. L'administration du président Gerald Ford institue une commission, dirigée par le vice-président Nelson Rockefeller, pour faire la lumière sur cette histoire. Cependant, les législateurs utilisent la crise de confiance envers l'exécutif pour que le Congrès se réapproprie son influence. Le Sénat institue sa propre commission, présidée par le démocrate Frank Church, composée de six démocrates et cinq républicains. Son objectif est de faire la lumière sur les activités illégales et les abus de pouvoir de la CIA ainsi que d'autres organisations de renseignement. Au total, 14 volumes sont publiés entre 1975 et 1976. Selon la commission, plus de 900 actions jugées majeures ou sensibles ont été menées par la CIA entre 1961 et 1976. Parmi elles, les nombreuses tentatives d'assassinat du leader cubain Fidel Castro, l'ordre d'abattre le Congolais Patrice Lumumba, l’attentat contre le général chilien René Schneider ainsi que l'encouragement à des coups d'État menant à la mort de Rafael Trujillo de la République dominicaine, Ngo Dinh Diem du Vietnam du Sud ou Salvador Allende du Chili. Les travaux de la commission mettent en lumière la grande marge de manoeuvre dont disposent les services de renseignement. Les députés réagissent en établissant des procédures de surveillance sur la CIA, dont une commission permanente à cette fin : la United States Senate Select Committee on Intelligence (SSCI). En août 1977, la CIA avouera même devant la SSCI avoir utilisé des cobayes humains dans des expériences de contrôle mental, un projet appelé Mk-Ultra.
Dans les médias...
Pierre Feydel, Henri Moine, « La croisade du sénateur Church »
«...L’Agence Tass et « L’Humanité » voient dans tout cela un signe éclatant de la « décadence de l’Occident ». Mais, naturellement, ils se gardent d’évoquer les procédés des démarcheurs soviétiques à travers le monde pour caser leur matériel. Le sénateur Church a pourtant levé un lièvre énorme. Au-delà d’une vieille nostalgie, issue du puritanisme protestant des « pères fondateurs », du moralisme qui remonte aux racines mêmes de l’Amérique, il pose des problèmes fondamentaux. Les citoyens ont soudain la révélation que l’argent public destiné aux énormes commandes de matériel militaire échappe, en fait, à tout contrôle parlementaire, et dépend d’un très petit nombre de technocrates ou d’hommes politiques vulnérables. Que le financement des partis politiques dans les démocraties libérales s’effectue souvent de manière occulte, malgré les lois. Et que la corruption est un danger mortel qui ne menace pas seulement les pays en voie de développement. Ambitieux, le sénateur Church? Sûrement. Mais au sens noble du terme, puisque les travaux d’une simple commission d’enquête du Sénat lancent soudain, au monde, un nouveau défi américain. »
L’Express (France), 16 au 22 février 1976, p. 41.
S.A., « Les célèbres agents ne gardent plus que des secrets de Polichinelle »
«...Depuis que le Congrès américain a décidé d’y regarder d’un peu plus près, les révélations se multiplient sur les activités de la CIA (Central Intelligence Agency) à l’étranger et sur les ingérences de Washington dans la politique intérieure de certains États, pourtant juridiquement souverains, par l’intermédiaire de la trop célèbre agence. [...] Si, par le passé, le secret était bien gardé sur les activités de la CIA, aujourd’hui il n’en est plus de même. Certes les membres du Congrès, informés en commission par le directeur de l’agence, sont toujours officiellement tenus au secret. Ainsi le représentant du Massachusetts, Michael Harrington, était exclu de la commission par ses collègues après avoir rendues publiques des informations au sujet de l’activité de la CIA au Chili. Mais au congrès, comme dans l’opinion publique américaine, l’image de marque de la CIA s’est considérablement ternie. Et les fuites de plus en plus fréquentent plongent, paraît-il, le président Ford dans une profonde colère...»
Jeune Afrique (France), 23 janvier 1976, p. 52.
Georges Vigny, « Onze sénateurs en mission impossible? »
«...C’est à six sénateurs démocrates et cinq républicains qu'a été confiée hier l’impossible mission d’enquêter sur les activités du Renseignement auxquelles sont voués quelque soixante agences gouvernementales, les unes qui disent leur nom et les autres qui le camouflent... Il y a, bien sûr, en tête de liste, la CIA et le FBI, mais aussi les services de renseignement du Pentagone, de l'aviation, de la marine, l’Agence nationale de sécurité, le service du département d'État. Tout un édifice de secret qui fut érigé un temps comme protection contre le monde et qui, de plus en plus, confondant les critères et les statuts, a glissé vers les excès de l'espionnite dont, probablement, Watergate n’était qu’une des illustrations [...] Ce n’est pas d'aujourd’hui que date ce mal d’espionnite; comme le souligne le sénateur Baker, il faudra refaire l’histoire du Renseignement de Truman à Nixon, en passant par Johnson. Et comme tous les autres présidents ne sont plus de ce monde, c’est encore le même Nixon qui risque de servir de tête de turc. Amnistié de tout le mal qu’il a fait à l’Amérique, il risque cette fois d’avoir à payer pour des pratiques en faveur à l’Administration, qu’elle soit républicaine ou démocrate. Pour les soirées de lecture sur les mœurs et les penchants de parlementaires que Lyndon Johnson aura passées grâce aux ragots glanés par Hoover, c'est, un Nixon politiquement détruit et physiquement ravagé qui aura peut-être à rendre des comptes. »
Le Devoir (Québec, Canada), 28 janvier 1975, p. 4.
David E. Rosenbaum, « CIA-FBI inquiry voted by the Senate »
«...Senators of both parties promised today not to allow the panel's hearings to develop into a “television spectacular” and they pledged to restrict the kind of unauthorized leaks of information that haunted the Watergate committee. Nonetheless, it seemed likely that the committee's inquiry would permit the most extensive public inquiry ever into the activities of the C.I.A., the F.B.I., military intelligence agencies. Meanwhile, today, President Ford's C.I.A. investigating commission, headed by Vice President Rockefeller, held a third day of closed hearings. It heard testimony from William E. Colby, Director of Central Intelligence, and a former official of the agency, Richard Ober [...].Two years ago, Mr. Church, who is chairman of the Foreign Relations Committee's Subcommittee, on Mulinational Corporations, held highly publicized hearings into the International Telephone and Telegraph Corporation's attempts to promote United States intervention against the Chilean Government of Salvador Allende Gossens. After it was disclosed that the C.I.A. had been secretly authorized to spend more than $8‐million in an effort to make it impossible for Mr. Allende to govern, Mr. Church accused Government officials of having lied at his hearings about the extent of the covert operations in Chile. Mr. Church said today that he still could not reconcile the intelligence agency's activities in Chile “with the professed principles of the United States.” But he said that his earlier criticism of the agency would not affect his ability to conduct a fair inquiry. »
New York Times (États-Unis), 28 janvier 1975.
Gouvernance et gouvernement [ 27 janvier 1975 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Élevé | Gerald R. Ford |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).