Élection d’Ebrahim Raïssi à la présidence de l’Iran
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde
Les Iraniens se rendent aux urnes le 18 juin 2021 pour trouver un successeur au président Hassan Rohani, qui ne peut se présenter après avoir effectué deux mandats. Ils élisent un ultraconservateur, Ebrahim Raïssi, avec une forte majorité, lors d’un scrutin marqué par un taux de participation historiquement bas pour une présidentielle de 48,8 %.
Résultats du scrutin
La Constitution interdit à Hassan Rohani de solliciter un troisième mandat consécutif à la présidence. Parmi les nombreux candidats sur les rangs pour lui succéder, certains sont invalidés par le Conseil des gardiens de la Constitution (CGC), qui exerce un contrôle sur les candidatures. C’est le cas, entre autres, de l’ex-président Mahmoud Ahmadinejad et de l’ex-président du Parlement, Ali Larijani. Considéré comme un réformiste, celui-ci était un des favoris pour l’emporter. Sur les 7 candidats acceptés, seulement 4 participent à l’élection, le 18 juin 2021. Du nombre, 3 sont « principalistes », donc des conservateurs, dont le meneur dans les sondages, Ebrahim Raïssi. Ce religieux, candidat défait à la présidentielle de 2017, a occupé de hautes fonctions dont celles de chef du système judiciaire iranien et de vice-président de l’Assemblée des experts. Il a également été lié à une exécution massive de prisonniers politiques en 1988, alors qu’il était membre d’une « commission de la mort ». L’influence du CGC, qui avait également rejeté beaucoup de candidatures lors des législatives de 2020, suscite la gronde chez les réformistes. Comme ils l’ont fait à cette occasion, plusieurs boycottent le scrutin. Le 18 juin, seulement 48,8 % des électeurs exercent leur droit de vote, un plancher depuis l’instauration de la République islamique. Raïssi l’emporte facilement avec 61,95 % des voix, 72,4 % en excluant les 14,4 % de votes blancs ou invalides. Un conservateur sur le plan social, ce dernier aura fort à faire pour redresser l’économie. À court terme, les analystes s’intéressent surtout à son attitude face au traité nucléaire de 2015, dont les États-Unis se sont retirés en mai 2018. Commentant les négociations se déroulant à Vienne, Raïssi refuse de rencontrer l’actuel président étatsunien, Joe Biden, mais se dit ouvert aux négociations « garantissant les intérêts nationaux de l’Iran ».
Dans les médias...
Baudouin Loos, « Ebrahim Raïssi, le président qui incarne un système pur et dur »
«...Cet homme sans charisme ne manque en revanche nullement d’ambitions. Et, au-delà du poste qu’il vient de conquérir, les observateurs avertis prévoient qu’il briguera le jour venu le titre de « guide de la révolution », le vrai sommet de l’État iranien, occupé actuellement par l’ayatollah Khamenei (bientôt 82 ans), que l’on dit bienveillant envers Ebrahim Raïssa et ses ambitions. « Le qualificatif de conservateur est trop simpliste pour qualifier les idées politiques de celui qui était depuis 2019 chef du pouvoir judiciaire », note sur le site orientxxi.info Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS qui a vécu quinze années en Iran. « Son action contre la corruption semble avoir été bien réelle, de même que sa volonté de ne pas bloquer la presse et les réseaux sociaux. » Sur le plan international, Ebrahim Raïssa n’a pas trop le choix, il lui faudra œuvrer pour que les États-Unis reviennent à l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 et, surtout, pour qu’ils annulent les sanctions économiques drastiques imposées par Donald Trump à partir de 2018. « Le devoir de toute administration présidentielle qui vient est de lever les sanctions oppressives et de neutraliser simultanément l’impact des sanctions », avait-il déclaré lors d’un débat présidentiel télévisé. Mais pour de nombreux Iraniens, exilés ou non, le nom d’Ebrahim Raïssa renvoie à la violence d’un régime qui réprime ses opposants avec zèle et cruauté. »
Le Soir (Belgique), 21 juin 2021, p. 12.
Renaud Girard, « Iran : la théocratie se consolide »
«...La jeunesse iranienne éduquée de Téhéran, qui parle anglais, surfe sur internet, se nourrit de culture occidentale, ne se réjouira pas d'un tel scrutin. Son désenchantement pour la politique est profond ; elle vit dans un monde parallèle, culturellement étranger à celui du pouvoir. Parmi toutes les capitales du monde arabo-musulman, Téhéran est celle où les mosquées sont les moins pleines le vendredi. Sous le chah, elles se remplissaient en forme de protestation. Aujourd'hui, compromis dans toutes sortes de trafics, les mollahs sont honnis par la population, qui boycotte leurs mosquées. Mais, politiquement, la jeunesse ne compte pas, car le système ne lui donne pas la parole. Est-ce à dire que le renforcement en Iran du Velayat-e faqih (le gouvernement du savant en religion) va entraîner la fin des négociations nucléaires indirectes de Vienne avec les Américains ? Gageons que non. Car pour sauvegarder le régime théocratique, le Guide et son élève Raïssi ont bien compris qu'il fallait une amélioration de la situation économique. Or celle-ci est tributaire de la capacité iranienne à exporter ses hydrocarbures et donc de la fin des sanctions américaines. »
Le Figaro (France), 22 juin 2021, p. 21.
Amar Rafa, « L’ultraconservateur Raissï, nouveau maître de Téhéran »
«...Le désormais nouveau président de la République islamique d'Iran, Ebrahim Raïssi, 60 ans, faisait figure d'archifavori, faute de concurrence réelle après la disqualification de ses principaux adversaires. D'ailleurs, il est le seul des quatre candidats à avoir véritablement fait campagne. La campagne électorale a été fade, sur fond de ras-le-bol général face à la crise, dans un pays riche en hydrocarbures mais soumis à des sanctions américaines. La participation des lecteurs se situerait à un taux de 48,8% à cette élection qui a été précédée par des appels au boycott lancés par l'opposition en exil et par quelques dissidents en Iran. Les abstentionnistes accusent le gouvernement de n'avoir "rien fait" pour le pays ou ne voyant pas l'intérêt de participer à une élection courue d'avance, voire selon eux "organisée" pour permettre à M. Raïssi de gagner. Sans appeler à l'abstention, l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad, populiste qui avait vu sa candidature invalidée en mai, a lui dénoncé une élection organisée "contre les intérêts du pays" et annoncé sa décision, à titre personnel, de ne pas participer à "ce péché". »
Liberté (Algérie), 20 juin 2021.
Yves Bourdillon, « Un scrutin présidentiel plus verrouillé que jamais en Iran »
«...Cortèges et klaxons risquent d'être rares vendredi soir, tant le régime ne se donne plus la peine d'offrir un simulacre de choix démocratique. Un des candidats, qui a depuis jeté l'éponge, a jeté un froid lors d'un débat télévisé en affirmant que le régime a « aligné le ciel, le soleil et la lune en faveur d'un seul candidat », Ebrahim Raïssi, chef de l'autorité judiciaire. Ont été éliminés de la course des poids lourds politiques pourtant alignés sur la doctrine du Guide Suprême, comme Ali Larijani, ancien speaker du Parlement, ou des membres du corps idéologique et affairiste des Gardiens de la Révolution. Ce qui illustrerait les rivalités et lignes de fractures parmi les clans de religieux, militaires et Gardiens de la Révolution qui constituent le régime. Certains analystes soupçonnent aussi le Conseil des gardiens, et donc l'ayatollah Khamenei, de nuire délibérément à la légitimité du prochain président au profit des instances non élues, où Mojtaba, le fils du Guide, joue un rôle clé. Hassan Rohani, qui ne pouvait se représenter après deux mandats consécutifs et dont les soutiens sont passés de l'espoir à une grande déception, a qualifié le processus électoral de « cadavre ». »
Les Échos (France), 18 juin 2021, p. 6.
Gouvernance et gouvernement [ 18 juin 2021 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Faible | Ebrahim Raisi |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).