9 mai 2025
5 septembre 2021

Renversement du président guinéen Alpha Condé

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Au pouvoir en Guinée depuis 2010, le président Alpha Condé est renversé en septembre 2021 par des militaires dirigés par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Condé est arrêté et les institutions dissoutes, alors qu'un Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) s’engage à tenir « une transition transparente et inclusive ».

Un opposant sous le long régime autoritaire de Lansana Conté (1984-2008), Alpha Condé est élu à la présidence de la Guinée en 2010, puis réélu en 2015. Il décide ensuite de faire modifier la Constitution afin d’être candidat une troisième fois. Un référendum à cet effet, qu’il gagne facilement en mars 2020, accentue la grogne qui s’exprime à son endroit, sa gouvernance du pays étant considérée de plus en plus autoritaire. De plus, l’économie guinéenne va mal, alors que des hausses de taxes et la pandémie de la covid-19 attisent le mécontentement. Le 5 septembre 2021, des militaires renversent Condé et procèdent à son arrestation. Ils sont dirigés par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Celui-ci avait été nommé par Condé à la tête du Groupement des forces spéciales guinéennes, une unité d’élite chargée d’endiguer le terrorisme. Quelques morts sont rapportés, mais le coup d’État se fait sans éclosion de violence généralisée. Des manifestations de joie sont même observées à différents endroits. Les institutions sont dissoutes, les frontières fermées et un couvre-feu entre en vigueur. Un CNRD est formé et Doumbouya annonce dans une vidéo la fin « de la personnalisation de la vie politique », allusion directe au règne de Condé. Il parle aussi « d’une transition transparente et inclusive » et de créer un gouvernement d’union nationale, mais reste vague sur les étapes à venir. Plusieurs organisations de la communauté internationale demandent la libération de Condé et le respect de l’ordre constitutionnel. Le CNRD tient un discours apaisant, de façon à les rassurer et à ne pas susciter la méfiance des investisseurs étrangers. La Guinée est un pays dont le sous-sol est très riche en ressources minières. Ce coup d’État des militaires survient après ceux observés au Mali (août 2020) et au Tchad (avril 2021).

Dans les médias...

Simon Petite, « L’Afrique de l’Ouest contaminée par les coups d’État »

«...Cette situation n'est pas sans rappeler le soulagement des Maliens en août 2020, quand des militaires avaient déposé le président après des mois de manifestations. Mais, depuis, les officiers maliens ont congédié le gouvernement de transition pour prendre seuls les commandes. Ils laissent planer le doute sur le fait qu'ils organiseront des élections comme prévu en début d'année prochaine. L'étoile du président guinéen Alpha Condé, opposant historique aux régimes militaires successifs en Guinée et finalement élu en 2010, s'était ternie ces dernières années. En 2020, il avait fait changer la Constitution pour se présenter une troisième fois. Malgré les manifestations durement réprimées, se soldant par des dizaines de morts, il a été réélu en octobre 2020. Mais le pays n'était pas sorti de la crise politique. Une situation délétère qui a fait le lit des putschistes. Comme pour conjurer le sort, le président Condé répétait d'ailleurs qu'il n'y avait jamais eu de coups d'État en Guinée, l'armée prenant habituellement le pouvoir juste après la mort du président précédent. La Guinée semble ce dimanche retombée dans l'engrenage des coups de force. »

Le Temps (Suisse), 6 septembre 2021, p. 5.

S.A., « Guinée : la fuite en avant d’Alpha Condé »

«...Se réclamant de la gauche, Alpha Condé est un orateur érudit, qui sait séduire son auditoire, mais il goûte peu la contradiction. « Je suis choqué de vous entendre dire que la Guinée n'a pas émergé, je suis choqué, franchement. Je suis choqué ! » a-t-il pesté tout au long d'une interview en 2018 à des médias français pour le 60e anniversaire de l'indépendance. Sanguin, Alpha Condé l'est certainement, comme lorsqu'il réprimande des étudiants qui lui réclament les tablettes informatiques promises pour sa réélection en 2015. « Vous êtes comme des cabris : tablettes, tablettes ! » grince-t-il en sautant sur place à pieds joints. Mais c'est surtout sa volonté intransigeante de doter le pays d'une nouvelle Constitution qui a divisé les Guinéens. Selon Amnesty International, la répression des manifestations de masse contre un troisième mandat a fait au moins 50 morts depuis octobre 2019. « Je ne prends pas Amnesty International au sérieux. Ils font des enquêtes à charge, des rapports unilatéraux », rétorque le président. Socialiste, il est l'un des derniers présidents africains formés « à la française », ami de Bernard Kouchner et de François Hollande. »

Le Point.fr (France), 6 septembre 2021.

Agnès Faivre, « En Guinée, le système Condé défait de l’intérieur »

«...Pour divers observateurs de la vie politique guinéenne, le chef du Groupement des forces spéciales jouerait surtout sa survie avec ce putsch. «La création du Bataillon d'intervention rapide (BIR) le 1er juin a mis le feu aux poudres. Doumbouya se sentait menacé par le système. De nombreux soupçons de corruption et de soutien à des narcotrafiquants le visaient. Il était aussi devenu très arrogant, refusait de se soumettre à des contrôles de la garde présidentielle. Et il a perçu cette nouvelle unité semblable à la sienne mais avec des missions plus élargies comme une disgrâce, il a craint d'éventuelles poursuites judiciaires. Doumbouya a donc précipité les événements», résume une autre source sécuritaire. La faible résistance de la garde présidentielle, lors du putsch de dimanche, incomberait à des divisions internes. De la même façon, le Bataillon autonome des troupes aéroportées (Bata), un commando de bérets rouges basé au camp Alpha Yaya de Conakry, a été miné par des dissensions au moment d'intervenir. »

Libération (France), 6 septembre 2021.

Conrad Duncan, « Guinea’s president Conde detained in military coup »

«...Mr Doumbouya has claimed that he is acting in the best interests of Guinea, citing a lack of economic progress since the country gained independence from France in 1958. "If you see the state of our roads, if you see the state of our hospitals, you realise that after 72 years, it's time to wake up," he said. However, some observers in the country argue that the tensions between Mr Conde and the army colonel come from a recent proposal to cut some military salaries. When Mr Conde won the country's first democratic election since independence in 2010, it was hoped his victory would mark a fresh start for the country, which has been mired by decades of corrupt and authoritarian rule. His opponents have criticised his presidency for failing to improve the lives of Guineans, many of whom still live in poverty despite the country's vast mineral riches. »

The Independent (Royaume-Uni), 6 septembre 2021, p. 25.

Gouvernance et gouvernement [ 5 septembre 2021 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagGuinéeLimitéMamady DoumbouyaMohamed Béavogui

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
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