Réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Emmanuel Macron
Après un mandat difficile, marqué notamment par la pandémie de la covid-19 et les protestations des gilets jaunes, le président français Emmanuel Macron est réélu avec 58,5% des voix. La marge est toutefois nettement moins importante que celle obtenue en 2017 contre la même candidate, soit Marine Le Pen du Rassemblement national (RN).
Résultats du scrutin
Emmanuel Macron et son jeune parti, La République en marche (RM), avaient remporté des victoires éclatantes aux élections de 2017. Le mandat qui suit s’avère toutefois ardu. À la pandémie et aux contestations des gilets jaunes s’ajoute en 2021-2022 une inflation importante. La baisse de pouvoir d’achat en résultant, de même qu’une réforme proposée des pensions deviennent des thèmes centraux de la campagne présidentielle de 2022, qui se déroule aussi dans l’ombre du conflit en Ukraine. Macron arrive en tête du premier tour, le 10 avril, avec 27,9 % des voix. Pour sa part, Marine Le Pen récolte 23,2 % des votes, devançant nettement Éric Zemmour (7,1 %), un candidat défendant des positions encore plus conservatrices qu’elle sur l’immigration. Elle ne coiffe toutefois que de peu Jean-Luc Mélenchon, le candidat du parti de gauche La France insoumise (22,0 %), très populaire auprès des jeunes électeurs. Ce premier tour est également marqué par l’effondrement de la candidate des Républicains, Valérie Pécresse, et de celle du Parti socialiste, Anne Hidalgo. Elles ne récoltent respectivement que 4,8 % et 1,7 % des votes, confirmant la baisse d’influence de leurs formations. Le 24 avril marque donc une reprise de l’élection de 2017 entre Macron et Le Pen. Cette fois, les sondages indiquent une lutte serrée et imprévisible, car plusieurs insatisfaits considèrent s’abstenir ou voter blanc. Macron demande de faire barrage contre les idées plus radicales de Le Pen, alors que cette dernière met l’accent sur le bilan décevant du président à l’endroit des moins nantis. Le 24 avril, Emmanuel Macron remporte une victoire décisive avec 58,5 % des votes, mais avec un fort taux d’abstention (28 %). De plus, la marge de 17 points de pourcentage est inférieure à celle de 32 en 2017, une situation illustrant des divisions qui pourraient s’exprimer de nouveau lors des législatives de juin.
Dans les médias...
Éditorial, « Et maintenant, il faut agir »
«...le bloc central sur lequel il (Macron) prétend s'appuyer ressemble furieusement à une citadelle assiégée. Aisée, urbaine, diplômée, plus âgée qu'hier (les « gilets jaunes » , le Covid et l'Ukraine sont passés par là), la « France de Macron » , dans son homogénéité sociale, dessine en creux le portrait d'un pays plus fracturé que jamais : entre les riches et les pauvres, les « boomers » et les jeunes, les diplômés et ceux qui ne le sont pas, les habitants des grandes métropoles urbaines et le reste du pays...Victoire à la Pyrrhus : la droite, la gauche, les médiations partisanes et syndicales avaient sans doute bien des défauts, mais elles avaient aussi le mérite d'inscrire les revendications particulières dans une perspective collective, d'offrir aux différends politiques un mode de résolution démocratique. Maintenant qu'elles ont disparu, cette France en miettes est renvoyée à la réalité brutale, « postpolitique », d'une nouvelle lutte des classes, d'un affrontement des générations, des origines et des identités, par nature étrangers à tout compromis. Cette France-là, dont la crise des « gilets jaunes » a montré combien elle était rétive, éruptive, colérique, est désormais à la merci de la moindre étincelle, disponible pour toutes les révoltes et les protestations. On ne peut que souhaiter bonne chance à Emmanuel Macron, à qui revient la charge, pour cinq ans encore, de la gouverner ! »
Le Figaro (France), 25 avril 2022, p. 25.
Jean-Baptiste Daoulas, Laure Équy, « Macron réélu La victoire sans la gloire »
«...La situation a, certes, tourné à l'avantage d'Emmanuel Macron qui, au fil de la dernière quinzaine, a creusé l'écart avec sa rivale. Mais si Marine Le Pen n'est pas parvenue à inverser la tendance, le Président, qui distançait son adversaire de plus de trente points en 2017, ne s'en sort, dimanche qu'avec une avance de 17 points. La victoire paraîtrait éclatante si le RN, héritier du Front national, ne réalisait pas le meilleur score de son histoire. Un résultat qui sonne comme « une éclatante victoire », a revendiqué Le Pen, peu après 20 heures, se félicitant de voir les idées de son camp « arriver à des sommets ». Après avoir asséné qu'« il n'y [avait] plus de front républicain », Macron peut tout de même remercier les électeurs de gauche. Ceux-ci, qui s'étaient massivement portés sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon le 10 avril, l'érigeant en troisième homme du scrutin (22 %), détenaient les clés du second tour. Vingt ans après le raz-de-marée électoral qui a porté Jacques Chirac au-dessus des 80 % pour repousser Jean-Marie Le Pen, le fameux « barrage » est mal en point. Mais il tient. »
Libération (France), 25 avril 2022, p. 3.
Bernard Gorce, Gauthier Vaillant, « Une nette victoire sans enthousiasme »
«...Emmanuel Macron a donc gagné son pari. Mais l'autre leçon de ce scrutin est le score très élevé de Marine Le Pen qui progresse d'environ huit points par rapport à 2017. Elle réussit à doubler le score de son père, Jean-Marie Le Pen, en 2002. Sourire aux lèvres, devant ses militants, la candidate RN a délivré un discours tourné vers l'avenir. « Les idées que nous représentons arrivent à des sommets », a-t-elle clamé sous les applaudissements. Maintenant, que va faire Emmanuel Macron de cette victoire ? Si le président candidat ne s'est pas réinventé, faisant le choix de la cohérence, la France, elle non plus, n'a pas changé. Elle reste ce pays traversé par les divisions et rempli de lassitude à l'égard du politique. L'abstention a atteint 26,3 % le 10 avril et 28,3 % dimanche soir. Elle bat ainsi le record pour un second tour de l'élection présidentielle depuis 1969 (31,1 %). Les votes blancs et nuls qui avaient bondi en 2017 pour attendre 8,5 % des inscrits ont de nouveau atteint un niveau très élevé. Le troisième homme de cette élection, Jean-Luc Mélenchon, qui avait appelé à faire barrage à l'extrême droite, s'est félicité de l'échec de Marine Le Pen. Mais il a aussi tenu à relativiser la performance du vainqueur en affirmant qu'il était le président le plus mal élu de la Ve République, en nombre de voix. Comme la candidate RN, il a lancé sans attendre le top départ du troisième tour, celui des législatives de juin. »
La Croix (France), 25 avril 2022, p. 2.
Joëlle Meskens, « Le portrait-robot de deux France que tout oppose »
«...La tendance avait déjà été très perceptible en 2017. La France « qui va bien », celle des grandes villes, avait voté massivement pour Emmanuel Macron. Celle qui souffre, dans les zones périphériques et défavorisées, avait opté pour Marine Le Pen. « Les gagnants de la mondialisation versus les perdants de la mondialisation » : tel était d’ailleurs le clivage mis en avant par la candidate d’extrême droite quand le président sortant préférait parler de l’opposition entre « le camp des progressistes et celui des nationalistes ». Cinq ans plus tard, et qu’importe finalement la façon dont on les désigne, ces clivages se sont spectaculairement affirmés. À tel point qu’on pourrait esquisser un portrait « en 3 D » des deux électorats, selon la formule du politologue Jérôme Fourquet. Ces deux portraits se répondent parfaitement comme deux décalques inversés. »
Le Soir (Belgique), 25 avril 2022.
Frédéric Mérand, « Macron, Le Pen et la fin des partis traditionnels »
«...La stratégie macronienne de cannibaliser le centre gauche, puis le centre droit, lui aura garanti la position de l’homme raisonnable face au populisme des deux extrêmes. Mais elle a aussi eu pour effet de faire le vide autour de lui. Les partis historiquement ancrés dans le tissu social sont laminés, ce qui réduit d’autant le choix des électeurs. Derrière cette stratégie se cache une évolution des démocraties qui n’est pas unique à la France. Le politologue français Bernard Manin explique que la démocratie de partis, basée sur la mobilisation populaire et les groupes intermédiaires, comme les syndicats, a été remplacée par la démocratie du public, basée sur un leader qui gouverne seul à partir des médias et des sondages d’opinion. Macron, Le Pen et Mélenchon sont la parfaite expression de cette évolution. Bien que leurs « partis » reflètent les idéologies de leurs dirigeants (et fondateurs, ou fille de fondateur dans le cas de Le Pen), ces formations n’existent que par et pour eux. Certes, les partis politiques traditionnels n’ont pas la cote, ni en France ni ailleurs. Mais comme l’explique le politologue italien Piero Ignazi, ils ont été consubstantiels à la démocratie moderne. Et ils risquent fort de nous manquer. Peut-être même à Macron, d’ailleurs. »
La Presse (Québec, Canada), 24 avril 2022, p. 10.
Gouvernance et gouvernement [ 24 avril 2022 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Élevé | Emmanuel Macron | Élisabeth Borne |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).