11 avril 2025
8 mars 2024

Promulgation d’une loi inscrivant dans la Constitution française la liberté de recourir à l’IVG

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Un vote à la très forte majorité des députés et sénateurs français, le 4 mars 2024, entraîne la modification suivante à l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Sa promulgation a lieu le 8 mars.

Les années 1970 marquent un tournant dans le débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. Le 5 avril 1971, un manifeste signé par 343 femmes ayant eu un avortement marque l’imaginaire. Puis, le 17 janvier 1975, les parlementaires promulguent la Loi Veil, du nom de la ministre de la Santé Simone Veil, rendant l’IVG légale. Ses dispositions seront renforcées à différentes reprises au fil des ans. Le débat sur l’IVG prend une nouvelle dimension en juin 2022. La Cour suprême des États-Unis annule alors l’arrêt Roe vs Wade, ce qui permet aux États de légiférer à leur gré sur cette question. La crainte qu’un recul puisse survenir dans d’autres pays entraîne une mobilisation. En mars 2023, le président français Emmanuel Macron annonce qu’il compte présenter un projet de loi constitutionnelle protégeant l’IVG en France. Il rendrait ce droit plus difficile à remettre en question. Cette première révision constitutionnelle depuis 2008 consiste à modifier l’article 34 de la façon suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». L’expression « liberté garantie » fait débat, mais le Parlement réuni en congrès adopte la révision le 4 mars 2024 à 780 pour, 72 contre et 50 abstentions, donc bien au-delà des 60 % requis. Les sondages appuient cette décision suscitant tout de même l’opposition de parlementaires conservateurs, du Vatican ou de la Conférence des évêques de France. Rappelons que l’ex-Yougoslavie avait, en 1974, fait mention dans sa Constitution du « droit humain de décider librement de la naissance de ses enfants ». Des enjeux politiques entrent en considération en 2024, dont des élections européennes en juin. Le président Macron envisage même la possibilité d’inscrire la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution de l’Union européenne.

Dans les médias...

Mathieu Dejean, Célia Mebroukine, « Vote de l’IVG dans la Constitution : une victoire collective des féministes »

«...Dans l'immense majorité des discours des représentant·es des groupes politiques (dix pour l'Assemblée, huit pour le Sénat), ainsi que dans celui de la présidente du Congrès Yaël Braun-Pivet (pour la première fois une femme), la mémoire des combats féministes était omniprésente [...] si ce vote est bien une victoire parlementaire- après une proposition de loi de la sénatrice écologiste Mélanie Vogel au Sénat en octobre 2022, reprise par la présidente du groupe La France insoumise (LFI) Mathilde Panot à l'Assemblée nationale en novembre 2022 et qui a ensuite fait l'objet d'un compromis patiemment construit avec la droite-, c'est surtout celle des associations et des militantes qui luttent inlassablement depuis des décennies pour ce droit. « Aujourd'hui, nous nous tenons sur les épaules des géantes. Nous faisons partie d'une chaîne invisible », proclame l'écologiste Cyrielle Chatelain, rendant hommage aux signataires du manifeste des 343, à Gisèle Halimi ou encore à Simone Veil. L'inscription de l'IVG dans la Constitution est la consécration institutionnelle d'une lutte qui ne s'est pas jouée que dans les institutions. Et ce ne sont pas les quelques militants anti-IVG réunis près du château de Versailles qui ont éclipsé cette « mémoire de la colère ». »

Mediapart (France), 4 mars 2024.

Jérôme Roux, « IVG : la révision constitutionnelle pourrait avoir des effets juridiques délétères »

«...Première révision constitutionnelle depuis plus de quinze ans, celle que vient d'approuver à une écrasante majorité, très supérieure à celle requise des trois cinquièmes des suffrages exprimés, le Parlement réuni en Congrès pour inscrire à l'article 34 de la Constitution « la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse », a procédé d'une instrumentalisation inconséquente du droit, au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, par l'idéologie. Née de l'émoi suscité par le revirement de jurisprudence en 2022 de la Cour suprême des États-Unis qui, revenant sur son arrêt Roe vs Wade de 1973, a restitué aux États fédérés la compétence pour légiférer à leur guise sur l'avortement, cette révision était inutile. Elle est surtout dangereuse pour d'autres droits et libertés constitutionnels. Son inutilité tient à ce qu'elle a pour objet de garantir constitutionnellement une liberté qui l'était déjà et qui n'est en aucune manière menacée en France. »

Le Figaro (France), 6 mars 2024, p. 14.

Jean-Baptiste Daoulas, Laure Equy, « IVG dans la constitution La haute lutte des femmes »

«...Pour remporter cette «victoire parlementaire et féministe», selon Laurence Rossignol, il a fallu s'armer de patience, batailler, accepter de s'effacer, faire fi des étiquettes partisanes, lever des doutes. A l'heure de graver dans la Constitution ces mots - «La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse» -, chaque parti réclame sa part de maternité. Les communistes rappellent que ce sont leurs sénatrices, Laurence Cohen et Eliane Assassi, qui ont déposé, en 2017, la première proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire le droit à l'IVG dans la loi fondamentale. La France insoumise célèbre la «loi Panot», votée à l'Assemblée en 2022. «Ridicule», grincent les députés Renaissance qui jugent que, sans l'engagement de la majorité, rien n'aurait été possible. A gauche, parmi les macronistes, et, hors les murs du Parlement, au sein des mouvements féministes et du Planning familial, l'obstination de toutes a pesé. «Un combat de femmes, pose Aurore Bergé. Il y a bien sûr des hommes qui accompagnent, mais nous portons dans notre chair la peur de voir l'IVG remise en cause.» Et une lutte collective. »

Libération (France), 4 mars 2024, p. 2-4.

Ludwig Gallet, Alexandre Sulzer, « Historique ! »

«...Voilà bien longtemps que la vie politique française n'avait pas été traversée par un tel esprit de concorde. Il fallait voir les parlementaires se lever et exulter à l'annonce des résultats du scrutin à Versailles pour prendre la mesure du caractère historique du vote qui venait de se tenir. Les députés et sénateurs ont acté lundi soir l'inscription dans la Constitution de la liberté garantie aux femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, votée par 780 parlementaires de tous bords politiques. Seuls 72 ont voté contre. Une première dans le monde et une « fierté française », selon les mots d'Emmanuel Macron, qui a annoncé dans la foulée une cérémonie de scellement de la Constitution, ouverte aux Français, vendredi 8 mars [...] Le débat juridique n'avait aucune chance de se tenir face à la perspective d'une avancée historique. Et la joie qui a explosé lundi soir devant une tour Eiffel illuminée pour l'occasion tranchait sensiblement avec le glas qui sonnait quelques heures plus tôt devant 300 personnes « pour l'enfant à naître » à l'appel de la Marche pour la vie, mouvement anti-avortement. C'était à quelques pâtés de maisons du château de Versailles. »

Le Parisien (France), 5 mars 2024.

Hugh Schofield, « Why Macron hopes abortion rights are a political winner »

«...President Macron lacks a majority in the National Assembly and faces an uphill task getting any reforms into law. His January reshuffle of his government meanwhile slanted it to the right. Following controversial laws last year on pension reform and immigration, this has given the jitters to left-leaning components of his Renaissance party - for whom the abortion revision is now a welcome re-balancing. "It is a big relief to be able to proclaim our unity again on an issue over which the whole of the party can agree. There have been a lot of tensions inside Renaissance, but now we can remind ourselves of the values we share," said one left-wing member of the party who asked not to be identified. But, in taking up what had originally been a left-wing parliamentary initiative, Mr Macron was doing more than just shoring up his left-wing support. He was also setting a trap. With European elections approaching in June, the president hoped the constitutional revision on abortion might open a clear fault line between his party and its main opponents, Marine Le Pen's far-right. If enough parliamentarians from the right and far-right objected to the reform, then they could easily be cast as reactionaries. Unfortunately for him, neither the Le Pen's National Rally (RN) nor the conservative Republicans (KLR) took the bait. Given a free vote in Assembly and Senate debates which preceded Monday's special congress, most right-wing parliamentarians voted for the bill. »

BBC (Royaume-Uni), 3 mars 2024.

Gouvernance et gouvernement [ 8 mars 2024 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagFranceÉlevéEmmanuel MacronFrançois Bayrou

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

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