Réélection de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Vladimir Poutine
Au terme du scrutin tenu du 15 au 17 mars 2024, Vladimir Poutine obtient un nouveau mandat de 6 ans à la tête de l’État russe avec une majorité écrasante. Sa victoire avec 88,5 % ne constitue pas une surprise, à la lumière du rejet ou du décès de ses principaux opposants, ainsi que des allégations d’irrégularités formulées par des observateurs.
Résultats du scrutin
Des amendements constitutionnels, adoptés à la suite d’un référendum tenu le 1er juillet 2020, permettent au président Vladimir Poutine de briguer d’autres mandats à partir de l’expiration de celui qui prend fin en 2024. Celui qui a été à la tête de l’État de 1999 à 2008, puis depuis 2012, profite d’un nouveau départ. Cela signifie qu’il peut se présenter pour un troisième mandat consécutif en 2024, et qu’advenant des victoires en 2024 et 2030 il pourrait conserver le pouvoir jusqu’en 2036. Malgré le conflit en Ukraine, sa domination semble incontestée à l’approche de l’élection de 2024. D’autant plus que deux de ses opposants les plus connus, Alexeï Navalny et Boris Nadzezhdin, ne sont pas dans la course. Le premier est décédé en prison le 16 février 2024 dans des circonstances nébuleuses. Le second a vu sa candidature rejetée par la Commission électorale. Les quelques autres aspirants ne constituent pas une menace sérieuse et, de toute façon, partagent dans les grandes lignes les politiques de Poutine. Du 15 au 17 mars, les Russes votent massivement pour le président. Après avoir récolté des scores dans les 50 % et les 60 % dans les sondages, Poutine reçoit l’appui de 88,5 % de ses compatriotes qui se sont rendus aux urnes à plus de 77 %. Son plus proche rival est Nikolaï Karitonov du Parti communiste avec 4,4 % des votes. Les opposants du président ont orchestré une forme de protestation le jour du scrutin. L’initiative Midi contre Poutine a toutefois un impact négligeable dans les isoloirs. En plus de la popularité de ce dernier, des médias indépendants avancent que le vote aurait été entaché par de nombreuses irrégularités ayant affecté les résultats en faveur du président. Âgé de 71 ans, Vladimir Poutine est assermenté de nouveau le 7 mai 2024.
Dans les médias...
Vladislav Inozemtsev, « Peu de gens réalisent combien de Russes tiennent à la stabilité du régime actuel »
«...Comment expliquer que le président russe soit si puissant ces jours-ci ? À mes yeux, le régime de Vladimir Poutine repose actuellement sur deux piliers. Premièrement, peu de gens réalisent combien de Russes tiennent à la stabilité du régime actuel. Je ne parle pas seulement des hauts fonctionnaires et des siloviki (les membres des « structures de force », comme la police, les services secrets et l'armée NDLR), mais aussi des fonctionnaires de tous rangs, des entrepreneurs, des citadins aisés, et même des retraités. Si le régime s'effondrait demain, il y aurait plus de perdants que de gagnants dans la société russe, du moins à court terme [...] Deuxièmement, l'équipe de Poutine s'est révélée très solide. Même pendant la guerre, presque personne n'a déserté. Les dissensions intra-élites sur lesquelles misait l'opposition russe n'ont pas eu lieu. Les sanctions occidentales ont en fait uni la classe dirigeante russe, en bloquant les possibilités de défections individuelles, et en mettant sur un pied d'égalité criminels de guerre, hauts fonctionnaires, dirigeants locaux, oligarques, hommes d'affaires, et même journalistes. Dès lors, le maintien du régime n'est plus simplement la meilleure, mais la seule option existante pour de nombreux membres de l'élite russe. »
La Croix (France), 21 mars 2024.
Alexandre Lévy, « Vladimir Poutine, un « triomphe » écorné »
«...Ce qu'on appelle parfois à Moscou, non sans ironie, l' « opération électorale spéciale », clin d'oeil ironique à l'autre opération spéciale, militaire celle-ci, devait se terminer sans aucune anicroche. Un événement est venu néanmoins quelque peu perturber ce plan. Prévue elle aussi de longue date, l'opération de l'opposition intitulée « Midi contre Poutine » a bien eu lieu à travers toute la Russie et dans de nombreuses villes du monde. Son idée, toute simple, s'est révélée très efficace. Les opposants au régime étaient appelés à se rendre massivement à « midi pile », l'heure où il y a le moins d'affluence, dans les bureaux de vote. Ensuite, ils pouvaient soit voter pour « n'importe quel candidat sauf Poutine », soit signifier leur opposition en gribouillant un message sur le bulletin ou l'emporter à la maison. Ils pouvaient aussi juste passer quelques minutes sur place, tous ensemble, afin de montrer que tout le monde en Russie ne soutenait pas aveuglément la politique de Vladimir Poutine. C'est totalement légal, de surcroît, les avait même rassurés Yulia, la veuve d'Alexeï Navalny, qui a rappelé que l'opposant, mort le 16 février en prison, était également un fervent supporter de cette initiative. Il était difficile hier soir de mesurer la véritable portée de cette action. »
Le Temps (Suisse), 18 mars 2024, p. 4.
Benjamin Quenelle, « Au coeur de la victoire de Poutine, le pouvoir des siloviki »
«...Autour du président réélu pour la cinquième fois, les siloviki respirent. Ce sont les hommes des forces de sécurité, agents du FSB comme Vladimir Poutine, mais aussi du comité d'enquête, de la police, de la garde nationale et d'autres organisations chargées de faire régner l'ordre. Pour au moins six ans encore, ils peuvent continuer à protéger leurs pouvoirs, leurs intérêts économiques et leur sécurité politique. « D'une certaine manière, ils sont pris à leur propre piège : ils ne peuvent plus lâcher le pouvoir, de peur de tout perdre. Leur chef, Poutine, doit rester », résume un observateur proche du Kremlin. Cette présidentielle a été une nouvelle démonstration de force de Vladimir Poutine et de ses siloviki. Mais aussi un aveu de leur faiblesse : après un quart de siècle au pouvoir, le président a échoué à construire un État assez solide pour continuer sans lui. Aux yeux du maître du Kremlin, juriste de formation, il était important de respecter les formes constitutionnelles, car le scrutin doit servir de base légale pour justifier ensuite ses politiques. De facto, sa nouvelle victoire a valeur de référendum pour la poursuite, voire l'accélération, de son « opération militaire spéciale » en Ukraine. Et pour le renforcement des pouvoirs des élites. »
Les Échos (France), 18 mars 2024, p. 9.
Xavier Savard-Fournier, « Vladimir Poutine, plus puissant que jamais »
«...Ce n'est pas pour rien que Vladimir Poutine, dès les premières phrases de son discours de victoire, s'est empressé de dire que les résultats électoraux démontraient la confiance de la nation dans la route empruntée actuellement par la Russie. Lorsque les « Russes sont unis, personne ne peut [les] intimider ou [les] détruire », a-t-il affirmé. Tout cela sert son argumentaire militariste, en Russie comme ailleurs. Mais on peut penser que Vladimir Poutine parlait en fait de lui et qu'il envoyait ce message à tous ceux voulant se mettre sur son chemin. Cela n'augure rien de bon pour la suite des choses et le ton risque de monter sur tous les fronts. Le président russe, en poste pour six autres années, semble maintenant croire qu'il a les coudées franches pour poursuivre aussi longtemps qu'il le faudra son invasion de l'Ukraine. D'autant plus qu'il lie le sort de cette opération à la survie de la nation russe et, probablement, à sa propre survie politique. Après sa victoire, il a même abordé, pour la première fois, le sujet de la mort de Navalny. « Oui, il est mort. Ce genre de chose est toujours triste », a-t-il mentionné en banalisant l'événement. »
L’actualité (Québec, Canada), 21 mars 2024.
Tom Watling, « What Russians can hope for after Putin’s bogus election »
«...The truth of what happened to Mr Navalny may be lost but what is evident is that even memorialising him has become unacceptable. Any semblance of speaking out against the war in Ukraine has become a cardinal sin. With all obstacles to his war in Ukraine being removed, Mr Putin will now look to test the West's resolve to continue supporting Ukraine until the end. Vital weapons packages from the US and the European Union are currently being blocked by Donald Trump-supporting Republicans and a Hungarian leader sympathetic to Russia. US presidential elections in November, meanwhile, could spell further disaster for Ukraine if Mr Trump, feared also to be sympathetic to Russia and known to be sceptical of Nato, returns to office. "Putin thinks he is winning," says Mr [John] Foreman, the former defence attache [du Royaume-Uni à Moscou]. "He thinks the West is weak, and that he is safe at home." How the war in Ukraine may end is impossible to predict but what is clear is that Putin's Russia is now intimately tied to the outcome. »
The Independent (Royaume-Uni), 18 mars 2024, p. 18.
Gouvernance et gouvernement [ 17 mars 2024 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Limité | Vladimir Poutine |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).