Tenue d’élections européennes
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde
Les partis traditionnels, dont ceux de centre droit, conservent une majorité de sièges lors des élections européennes de 2024. Ce résultat est cependant éclipsé par le succès de certaines formations de droite plus radicales, notamment en France où la progression de la liste La France revient! incite le président Emmanuel Macron à déclencher des élections législatives.
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine, les questions migratoires et la situation économique sont au cœur de la campagne en vue des élections européennes de 2024. Ce contexte houleux, qui génère de l’insatisfaction, amène les analystes à spéculer qu’il jouera en faveur des listes défendant des positions plus tranchées. Pourtant, à la suite du vote tenu entre le 6 et le 9 juin 2024, c’est le Groupe pour le Parti populaire européen de la présidente sortante, Ursula von der Layen, qui arrive en tête avec 189 élus. Il est suivi de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates, de gauche et de centre gauche, avec 136 sièges. Le groupe libéral Renew est en recul, mais pas autant que les Verts qui perdent une vingtaine de sièges. Les formations qualifiées de radicales, de populistes ou d’extrême droite, selon les pays, enregistrent des progrès, mais qui n’atteignent pas nécessairement les succès anticipés. Dans certains cas, ils subissent même quelques pertes. L’arrivée en tête des Frères d’Italie de la première ministre Georgia Meloni et de la liste La France revient! de Jordan Bardella suscitent toutefois de fortes réactions. Combinée à la perte de sièges de la liste Besoin d’Europe appuyée par Emmanuel Macron, cette poussée incite le président français à déclencher des élections législatives. Cette décision étonne puisque le Parlement actuel ne siège que depuis 2022. L’Hexagone se retrouve donc en campagne électorale en juin 2024, une situation complètement imprévue. Les observateurs divergent quant à l’interprétation à donner au scrutin européen. En plus de la diversité des résultats, ils pointent la présence dans le futur Parlement de quelques dizaines d’élus qui ne sont associés à aucun des groupes, ajoutant à l’imprévisibilité des tendances à venir. Soulignons qu’il s’agissait des premières élections européennes depuis le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Dans les médias...
Dominique Moïsi, « Élections européennes, élections américaines : s’inquiéter sans se désespérer »
«...Certitude en Europe, incertitude aux États-Unis : une chose est claire, des deux côtés de l'Atlantique, le vote ou le non-vote des jeunes peut jouer un rôle décisif. Un grand nombre d'entre eux votent désormais pour les droites dures en Europe. Tout se passe comme si, à l'heure où le réchauffement climatique est une menace plus grave et plus immédiate que jamais, une partie significative des jeunes électeurs donnaient la priorité à leur peur du « grand remplacement ». Et non plus à leur peur légitime pour la survie de la planète. La France est un exemple presque caricatural de cet effet de bascule. La droite dure, à travers ses deux incarnations (RN et Reconquête), flirtait avec les 40 % de l'électorat dans les sondages pré-élections européennes. Quant aux Verts, leur recul est très sensible depuis 2019. Comment expliquer ce revirement spectaculaire ? Pourquoi la nostalgie d'un passé imaginaire l'emporte-t-elle sur la peur pour l'avenir de la planète ? »
Les Échos (France), 10 juin 2024, p. 12.
Loris Boichot, Louis Hausalter, Tristan Quinault-Maupoil, « Défait, le camp Macron saute dans l’inconnu »
«...La déconvenue enregistrée dimanche signe pourtant l'essoufflement d'une logique binaire, usée jusqu'à la corde par Emmanuel Macron et ses troupes : le camp des proeuropéens contre « les extrêmes » , la raison ou le chaos. La recette avait fonctionné aux élections présidentielles de 2017 et 2022. Elle avait permis de limiter les dégâts aux européennes de 2019, lors desquelles le chef de l'État avait joué la carte du « parti de l'ordre » alors que la France était ébranlée par le mouvement des « gilets jaunes ». Cette fois-ci, elle a échoué. Il a pourtant multiplié les déclarations dans la dernière ligne droite de la campagne, mettant à profit les grandes cérémonies des 80 ans du D-Day en Normandie. En dressant une comparaison entre les combats de l'époque et la guerre en Ukraine, l'un des enjeux que le camp présidentiel a tenté d'ancrer dans les thématiques de campagne, sans grand succès. Et en dramatisant, dans une interview polémique à la télévision jeudi, le risque d'une « Europe bloquée » en cas de forte poussée nationaliste [...] Les sondages montrent depuis longtemps que la guerre en Ukraine et l'avenir de l'Europe ne figurent pas parmi les préoccupations prioritaires des Français, dominées par le pouvoir d'achat et la sécurité. Même si le coeur de l'électorat macroniste, plutôt âgé et aisé, est plus sensible à ces thématiques internationales. »
Le Figaro (France), 10 juin 2024, p. 4.
Lina Sankari, Vadim Kamenka, « L’extrême droite vise l’hégémonie culturelle »
«...Fini les slogans tapageurs sur la sortie de l'UE. La campagne des élections a été marquée par le discours des partis nationalistes sur la défense de l'identité européenne contre les « élites de gauche ». Une invitation à reprendre le contrôle du récit depuis Bruxelles. Viktor Orbán et ses avatars de l'extrême droite continentale s'imaginent-ils en taureaux blancs qui, tel Zeus, se seraient métamorphosés pour arracher la princesse Europe à ses terres orientales ? Toute la campagne fut ainsi marquée par un thème : celui de la défense de la civilisation européenne. Fait résolument nouveau de ces élections, la nation ne constitue plus le seul point de fixation des formations xénophobes. Cet investissement sur l'Union européenne (UE) - peu nombreux sont ceux qui évoquent encore une sortie, hormis l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et le Néerlandais Geert Wilders, qui l'a inscrite dans son programme sans s'y attarder dans ses discours - relève d'une bataille culturelle afin de réaliser l'objectif suprême : se débarrasser de la gauche par une phraséologie qui laisse songeur. « Le rêve européen a été violé par une élite de gauche. J'en appelle à tous les partis critiques à l'égard de cette Union européenne : unissons-nous et collaborons, redéfinissons ensemble le cap », a déclaré le Belge Gerolf Annemans (Vlaams Belang). »
l’Humanité (France), 12 juin 2024, p. 16.
François Brousseau, « En Europe, la vague d’extrême droite est contenue »
«...l'un des résultats de cette consultation européenne, c'est que l'extrême droite à l'échelle continentale progresse, certes, mais beaucoup plus modestement que prévu. Elle connaît même quelques reculs marqués en Suède, en Finlande (où le Parti des Finlandais passe de 14 % à 8 %), en Hongrie (où le Fidesz au pouvoir de Viktor Orban recule de 53 % à 44 %). Dans les grandes capitales, comme Rome, Madrid ou Varsovie, on est loin du coup de tonnerre qui a retenti en France, avec une extrême droite dominante, l'humiliation du parti d'Emmanuel Macron et sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale [...] ces européennes, ce sont aussi des élections nationalisées, où on ne vote pas sur des débats européens et où le discours politique, ainsi que son traitement médiatique, sont parfois plus proches de la paroisse que des grandes questions supranationales ou géopolitiques. Elles sont vues comme des sondages grandeur nature et des courses de chevaux (suivies de façon maniaque par des enquêtes quotidiennes), en attendant les vraies élections (les législatives ou les présidentielles). Sur ce registre-là, les dirigeants de deux pays majeurs d'Europe, la France et l'Allemagne, ont essuyé dimanche des gifles humiliantes, pouvant avoir des conséquences nationales importantes. »
Ici Radio-Canada (Canada), 10 juin 2024.
Gouvernance et gouvernement [ 9 juin 2024 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
---|---|---|---|
![]() | Élevé | Emmanuel Macron | François Bayrou |
![]() | Élevé | Sergio Mattarella |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).