10 avril 2025
2 janvier 1956

Tenue d'élections législatives en France

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Guy Mollet

Les troisièmes élections législatives tenues sous la IVe République donnent encore lieu à un partage des votes entre plusieurs partis et coalitions. Cette dispersion laisse présager, comme ce fut le cas au cours des dernières années, la formation et le renversement de plusieurs gouvernements.

Avec comme toile de fond la difficile question de l'Afrique du Nord, cette élection permet au Parti communiste (PC) de confirmer son statut de premier parti de France avec 150 députés et 25,9% des voix. Le Front républicain, une coalition formée de socialistes, de radicaux de gauche et d'autres candidats favorables à l'ex-président du Conseil Pierre-Mendès France fait aussi belle figure, tout comme le Mouvement républicain populaire (MRP) et les partis centristes qui font élire plus de 200 députés. La surprise vient de l'Union de défense des commerçants et artisans (UDCA) de Pierre Poujade, un parti de droite anti-étatique, réfractaire aux taxes, qui fait élire une cinquantaine de députés avec 11,6% des voix. Le 1e février, l'Assemblée nationale votera à 420 contre 71 pour confier la présidence du Conseil au socialiste Guy Mollet. Un ministère sera confié à Pierre-Mendès France qui démissionnera toutefois en mai pour protester contre la politique algérienne du gouvernement. Mollet sera renversé un an plus tard, en mai 1957.

Dans les médias...

S.A., «Le miroir»

«...Avait-on trop attendu de ce renouvellement anticipé et nécessaire, trop de la bonne volonté ou de la lucidité du corps électoral ? Ou s'y est-on mal pris ? Toujours est-il que la déception est profonde et quasi générale, à l'exception des communistes, logiques avec eux-mêmes dans leur certitude de la marche du marxisme, et des poujadistes, violents plus pressés de renverser que d'édifier. On voulait du nouveau. On voulait qu'une majorité solide sorte de ce scrutin pour soutenir un pouvoir enfin stable et faire un État fort. On voulait que les plus nombreux prennent la direction et endossent enfin indiscutablement les responsabilités. Et voici que sort du puits électoral une espèce de monstre invertébré et sans voile, dont l'anatomie révèle les signes cliniques les plus évidents qui le promettent à l'instabilité congénitale. De quelque façon qu'on l'affuble, on ne voit pas comment cet habit d'arlequin le ferait tenir en équilibre.»

Le Monde (France), 4 janvier 1956, p. 1.

Jean Pouillon, «Lendemain d'élections»

«...Si le Front populaire se fait un jour, c'est parce qu'il sera apparu à tous, communistes et socialistes, comme la seule réponse possible aux problèmes de l'heure. La droite le sait si bien que tous ses efforts tendent à empêcher cet événement qui s'inscrit déjà sur les travées de la Chambre. Quant à ses «conditions», elles seront aussi ce que les fera la gauche non-communiste. Que socialistes et mendésistes acceptent le Front populaire alors qu'il peut encore être évité, et ils tiendront dans ce rassemblement la place qui leur revient. Qu'ils se dérobent jusqu'au bout et ne s'inclinent qu'à contre-coeur, lorsque toute autre solution sera devenue impossible, -et ce Front populaire apparaîtra évidemment comme une victoire communiste. Mais qui l'aura fait tel ? Pour un rassemblement sans équivoque, les conditions sont aujourd'hui favorables. La droite le sait et s'en effraie. Pourra-t-elle longtemps encore compter sur cette curieuse lâcheté, qui se donne les apparences de la résolution, mais vient d'un manque profond de confiance en soi ?»

Les Temps modernes (France), janvier 1956, p. 1128.

J.M. Domenach, «Un accord sans détours»

«...Maintenant, à chacun de prendre clairement ses responsabilités : Au Front républicain de dire s'il se sent assez fort, assez uni, assez déterminé à régénérer le pays pour proposer un accord sans détours au Parti communiste; au Parti communiste de dire s'il entend reprendre la politique du P.C. allemand envers Brüning et les sociaux-démocrates, ou bien s'il accepte, pour un temps, de soutenir un gouvernement réformiste. Il s'agit d'autre chose qu'une opération politique, une revanche de la gauche sur la droite, des laïcs sur les cléricaux... mais par delà les routines de nos divisions politiques, de lier la justice sociale, la pacification outre-mer, les thèmes classiques de la gauche, à une vaste entreprise de redressement national : plan d'expansion, d'aménagement, de logement; création d'un enseignement national, démocratique et moderne; définition de nouveaux liens constitutionnels entre la France et les peuples qui sortent ou vont sortir de sa domination coloniale. Alors, si on osait, la gauche retrouverait cette force irrésistible qui est la sienne lorsqu'elle éveille la solidarité patriotique, le goût de l'effort collectif; ce serait tout un pays, usé par places, mais où la jeunesse commence à faire sentir sa poussée, qui alors se remettrait en route.»

Esprit (France), février 1956.

Gérard Filion, «La confusion s'accentue»

«...sur le plan international, la position de la France ne s'en trouvera pas renforcée. Sa politique restera solidement rattachée à l'alliance occidentale, mais l'instabilité du Gouvernement raffermira l'opinion généralement répandue qu'il ne faut pas trop compter sur la France pour le raffermissement de l'alliance de l'Atlantique-Nord. Sur le plan colonial, l'élection d'avant-hier n'a rien réglé. Les troubles continuent en Algérie; le Gouvernement français devra décider, une fois pour toutes, s'il entend rétablir l'ordre par la répression ou par la négociation. Le seul remède, semble-t-il, à l'instabilité politique de la France serait l'élection obligatoire après le renversement d'un Gouvernement. Une mesure aussi draconienne empêcherait les partis de donner un vote de non-confiance chaque fois qu'une divergence d'opinion les sépare de la politique officielle. Mais aucun parti politique n'est prêt à se soumettre à une mesure aussi rigoureuse. Ce que les députés et les partis redoutent par-dessus tout, c'est un Gouvernement fort, un Gouvernement qui dominerait l'Assemblée. Celle-ci aime mieux tenir en laisse le ministère que de se faire mener au doigt et à l'oeil par un Gouvernement qui tiendrait, suspendue au-dessus de sa tête, la menace d'une dissolution.»

Le Devoir (Québec, Canada), 4 janvier 1956, p. 4.

Gouvernance et gouvernement [ 2 janvier 1956 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagFranceÉlevéRené CotyGuy Mollet

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
flagflagflagflag

Obtenez des informations supplémentaires sur le profil général des pays, les gouvernants, le niveau de démocratie et les différents partis politiques ayant oeuvré sur la scène nationale depuis 1945.

Chronologie 1951 - 1961







































Dans l'actualité