Visite du leader soviétique Nikita Khrouchtchev aux États-Unis
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Nikita Khrouchtchev
L'arrivée aux États-Unis du premier secrétaire du Parti communiste de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), Nikita Khrouchtchev, suscite beaucoup d'intérêt. Il s'agit d'une première pour un dirigeant soviétique.
Le ministre des Affaires étrangères, Andreï Gromyko, fait aussi partie de la délégation accompagnant Khrouchtchev. Celle-ci est accueillie par le président américain Dwight Eisenhower. La visite s'amorce dans un contexte particulier car le 14 septembre les Soviétiques ont réussi une première en envoyant une sonde sur la lune, un exploit qui confirmerait la supériorité de leur programme spatial. Le 18 septembre, Khrouchtchev retient l'attention en présentant devant l'Organisation des Nations unies un plan de paix prévoyant un désarmement global d'ici quatre ans. Les pays de l'Ouest lui réservent un accueil tiède. Ce différend et d'autres, notamment sur le statut de l'Allemagne, n'entravent pas le séjour du dirigeant soviétique qui visite plusieurs grandes villes (New York, Los Angeles, San Francisco, etc.) De retour à Washington, Khrouchtchev a d'autres discussions avec Eisenhower avant de quitter le pays, le 29 septembre. Il reviendra aux États-Unis l'année suivante. Par contre, le voyage que le président américain devait effectuer en URSS sera annulé dans la controverse.
Dans les médias...
Jean-Marie Domenach, « Khroutchev en Amérique »
«...Il était clair qu'ils parlaient comme deux qui pourraient se battre, mais qui préfèrent s'éblouir et qui se montrent leur automobile (...) Gesticulant, désopilant (les grands hommes d'État sont des pitres qui ont mal tourné), Khroutchev agitait sa main sous le nez de Nixon : « Dans dix ans, nous vous aurons dépassé et nous vous ferons bye bye ! » Ce n'était pas la parole du philosophe, ce n'était certes pas celle du poète; ils ne communiquaient pas, ils n'exprimaient rien, mais ils s'entendaient sur l'objet, ils rivalisaient dans le même ordre, qui est celui de la puissance technique. Fusées atomiques et bombes H étaient restées au vestiaire; le duel portait sur la nourriture, le logement, les machines. Était-ce le chef de tous les prolétaires du monde, ce petit gros qui se trémoussait en cherchant le chiffre écrasant ? Était-ce le délégué des capitalistes, ce grand maigre qui vantait le bonheur confortable de l'Américain moyen ? Dans ce match entre deux politiciens gonflés de puissance, quelque chose de neuf, de sain, apparaissait : c'est pour le public qu'ils tenaient l'estrade et c'est le public qu'ils se vantaient de satisfaire. Nous assistions à la première réunion électorale, publique et contradictoire, du monde unifié. »
Esprit (France), octobre 1959, p. 396.
Henri Pierre, « La voyage du chef du Kremlin n'a donné jusqu'à présent aucun résultat positif »
«...Rien jusqu'à présent dans les déclarations publiques de M. « K » n'indique un changement ou un assouplissement dans la position du gouvernement soviétique. En définitive, si M. Khrouchtchev devait s'en tenir à des propositions dont il sait à l'avance qu'elles ont été et seront refusées par l'Occident on voit mal comment la rencontre du Camp David, prévue pour la fin de la semaine prochaine, pourrait aboutir à un résultat positif. (...) Sur un autre terrain, M. « K » s'est bien « vendu » au public, comme on dit ici, étant rigoureusement fidèle à l'image qu'on se faisait de lui : un homme vigoureux au tempérament de lutteur, jouant sur toute la gamme, passant du sourire à la colère, avec une science consommée. Il est encore trop tôt pour déterminer si M. « K » réussira dans son entreprise de séduction. Au-delà de l'irritation et des critiques, il a sûrement impressionné les Américains. (...) En dehors d'une faible poignée d'opposants (trois mille Ukrainiens et Hongrois agitant des pancartes et faisant du bruit), M. « K » a marqué des points auprès de l'opinion, qui a cessé d'avoir peur d'un homme dont elle voit le visage plusieurs fois par jour sur les écrans de télévision. C'est peut-être ce qu'il recherche depuis longtemps. »
Le Monde (France), 20 et 21 septembre 1959, p. 5.
Alfred Ayotte, « Derrière le sourire du visiteur soviétique »
«...Avec son réservoir d'hommes trois fois plus élevé que celui de la Russie, avec son industrialisation, non fulgurante, mais constamment en progrès avec l'expérience particulière de ses communes, louées par les uns, décriées par les autres, mais différentes des méthodes employées par les Soviets et maintenues malgré eux, la Chine communiste inspire des inquiétudes à Moscou. Un jour ou l'autre l'hégémonie sera en jeu entre les deux capitales. En prévision d'une telle crise, M. Khrouchtchev voudrait pouvoir compter sur de puissants alliés. Comme les Occidentaux ont collaboré pendant la Deuxième Guerre mondiale avec les Russes, ceux-ci voudraient s'assurer de nouveau la coopération des Américains et de leurs amis contre les Chinois, dans le cas de graves difficultés. Mais pour obtenir de tels avantages, le chef soviétique devra jeter du lest. Washington exigera de lui que les communistes cessent leurs infiltrations et leurs invasions dans des pays comme le Laos, le Tibet et l'Inde et qu'ils mettent fin à toute agitation dans le reste de l'Asie. C'est le message que M. Khrouchtchev devra transmettre à Pékin. Comment sera-t-il accueilli ? On a là tout de même l'explication de la visite à la Chine, postérieure à celle des États-Unis. »
La Presse (Québec, Canada), 17 septembre 1959, p. 4.
S.A., « Changing Khrushchev's mind »
«...It will be a long time before Mr. Khrushchev changes any of his real views about this country, for before he can change his mind he must be able to understand what kind of a country this is we have. And a man whose mind is trained in the systematic clichés of Marx and Engels and whose hand guides a system of government built on foundations of force, brutality and deceit can't help but find it difficult to understand this country's system. (...) Representative government and individual freedom to dedicated Communists are subjects fit for no more than the philosophical mutterings of old women over their evening samovars. Mr. Khrushchev isn't likely to change his mind about this country any time soon. It will be enough if, during his visit here, he comes to understand that our way of life, however foolish a system it may seem to him, is something we mean to maintain. If he understands that, world peace and our own security will be the safer for all the talk of summit meetings and changing minds. »
Wall Street Journal (États-Unis), 21 septembre 1959, p. 16.
Gouvernance et gouvernement [ 15 septembre 1959 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Élevé | Dwight D. Eisenhower | |
![]() | Faible | Kliment Vorochilov | Nikita Khrouchtchev |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).