7 avril 2025
14 février 2005

Assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafiq Hariri

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Rafiq Hariri

L'assassinat de l'ex-premier ministre Rafiq Hariri (1992-1998, 2000-2004), fomenté aux yeux de plusieurs par des autorités du gouvernement syrien, entraîne des mouvements de masse qui réclameront le retrait syrien du Liban.

Depuis plusieurs années, le gouvernement de Damas exerce un contrôle qui limite la souveraineté du gouvernement libanais sur son propre territoire. Les opposants à la Syrie parlent d'«occupation». La résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) (2004) «Demande à nouveau que soient strictement respectées la souveraineté territoriale, l'unité et l'indépendance politique du Liban, placé sous l'autorité exclusive du gouvernement libanais s'exerçant sur l'ensemble du territoire libanais.» Quand l'assassinat de Hariri survient le 14 février 2005, une large portion de la communauté libanaise et internationale pointe du doigt le gouvernement de Damas. Le 14 mars, plus d'un million de manifestants, réunis à Beyrouth place des Martyrs, réclament la vérité sur l'assassinat et demandent le départ des Syriens. Signe d'une division au sein de l'opinion publique libanaise, cette manifestation est une réponse à celle pro-syrienne organisée le 13 mars à Nabatiyé. Regroupant entre 200 000 et 300 000 personnes, celle-ci dénonçait la résolution de l'ONU et les interventions occidentales. Dans les jours qui vont suivre, la Syrie annonce son retrait. Les élections législatives du 29 mai et du 19 juin permettront la victoire d'une coalition anti-syrienne menée par Saad Hariri, le fils du premier ministre assassiné. Une enquête menée par le procureur allemand Detlev Mehlis, sous mandat de l'ONU, conclura à une implication «quasi-certaine» des Syriens dans la mort d'Hariri. Ces événements seront connus sous le nom de «Révolution des Cèdres». Voir : Résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le Liban

Dans les médias...

Georges Corm, « Crise libanaise dans un contexte régional houleux »

«...La disparition tragique de Rafic Hariri déclenche une crise majeure, à un moment où les deux régimes, syrien et libanais, paraissent aux abois. Jeté à nouveau en pâture aux jeux de la géopolitique régionale, le pays du Cèdre retrouve ses vieux réflexes et ses vieux démons. Survenant quelques mois après l'attentat contre le député Marouan Hamadé, proche à la fois de M. Joumblatt et de Rafic Hariri, ce nouveau drame rouvre des plaies mal cicatrisées. Pour beaucoup de Libanais, un symbole majeur de stabilité et de prospérité a été brisé. En dépit des critiques dont il pouvait faire l'objet et de ses liens très étroits avec la nomenklatura syrienne, l'ancien premier ministre entretenait parmi ses nombreux admirateurs l'espoir d'un pays normalisé, sorti du conflit israélo-arabe, dont il avait tant souffert. C'est pourquoi les appels répétés de MM. Bush et Chirac au retrait syrien et à l'application totale et rapide de la résolution 1559 ont trouvé bien des oreilles complaisantes. Ils ont fédéré autour de la famille du premier ministre assassiné et de M. Joumblatt, devenu le chef incontesté de l'opposition, à la fois les députés partisans de Rafic Hariri et élus sur ses listes, un certain nombre de groupes politiques et d'associations, ainsi que de très nombreux étudiants issus largement - mais pas seulement - des classes moyennes chrétiennes. »

Le Monde diplomatique (France), avril 2005, p. 16.

Françoise Germain-Robin, « Une union anti-syrienne fragile et incertaine »

«...La mort de Rafic Hariri pourrait-elle réunifier un Liban, qu'elle était supposé replonger dans le cauchemar de la guerre civile ? C'est l'impression que l'on pouvait avoir hier en observant l'unanimité avec laquelle le peuple libanais, toutes composantes confessionnelles et politiques confondues, a semblé communier dans la douleur en portant en terre celui qui, par la brutalité même de sa mort, est soudain devenu un héros national. Dans le Liban multiconfessionnel où chiites, sunnites et maronites se sont livrés pendant quinze ans, de 1975 à 1990, une guerre sans pitié, les uns contre les autres, mais aussi à l'intérieur même de chaque composante, ce n'est pas une mince affaire. L'union sacrée faite autour du cercueil du milliardaire Hariri survivra-t-elle à ses obsèques et verra-t-on se manifester une « vertu politique » du cadavre ? Rien n'est moins sûr, car les calculs politiques tortueux dont le Liban est le théâtre depuis plus d'un demi-siècle risquent d'avoir vite raison de l'émotion populaire, si prompte à se manifester dans le monde arabe. Pourtant, certains se prennent à espérer, au Liban même, que l'assassinat du leader sunnite, qui fut premier ministre pendant dix ans, réussira à accélérer et à consolider l'entreprise à laquelle il s'était attelé depuis cinq mois en dénonçant le président Émile Lahoud comme un fantoche de la Syrie et en rejoignant l'opposition dirigée par le leader druze Walid Joumblatt. »

L'Humanité (France), 17 février 2005, p. 4.

Sibylle Rizk, « Les Libanais sunnites espèrent sauver l'héritage politique de Rafic Hariri »

«...L'affluence attendue devrait être à la mesure du sentiment de vide suscitée par la disparition brutale de Rafic Hariri, tant son personnage a marqué la scène politique et économique libanaise depuis la fin de la guerre. Au-delà du choc provoqué par la violence de l'attentat, les Libanais s'interrogent avec inquiétude sur l'avenir. La préoccupation la plus immédiate concerne la stabilité financière. Le spectre d'une dévaluation de la monnaie qui provoquerait une crise économique et sociale de grande ampleur hante tous les esprits. Un tel scénario surviendrait en cas de retrait massif de capitaux déposés dans les banques libanaises. La fermeture officielle de trois jours ayant évité tout mouvement de panique, les milieux bancaires comptent désormais sur la « maturité » des marchés et les réserves en devises de la Banque centrale pour préserver le taux de change. »

Le Temps (Suisse), 16 février 2005.

Serge Truffaut, « La main syrienne »

«...Pour beaucoup, l'ampleur de l'explosion est elle-même le signe probant de l'implication de Damas. La précision ou plutôt le professionnalisme des acteurs confirme cette implication. Quoi d'autre? (...) c'est surtout le mobile qui fait remonter la piste jusque dans les bureaux des autorités syriennes. L'automne dernier, Hariri était monté aux barricades pour exiger des Syriens qu'ils respectent les accords de Taëf. Signés en 1989, ceux-ci commandaient un retrait des troupes syriennes dans les deux années suivantes. On l'aura compris, cela fait maintenant treize ans que Damas fait fi de cette entente. À cette arrogance, voire cette injure, Hariri voulait mettre un terme. Pour ce faire, il avait rallié les rangs de la contestation formée dans un premier temps par les maronites, les chrétiens, que d'autres responsables de diverses communautés avaient rejoints. Bref, en vue des élections législatives du printemps, tous les adversaires de la mainmise syrienne avaient convenu de se fédérer. Il n'en fallait évidemment pas plus pour que la mauvaise humeur de la Syrie soit passablement aiguisée. »

Le Devoir (Québec, Canada), 16 février 2005, p. A6.

Éditorial

«...The Hezbollah militia, with the backing of Syria, has used the country as a base to launch terrorist attacks, one of the main reasons the U.S. has been targeting Damascus. Yet compared with the bloody horrors of the civil war period, today's Lebanon is almost an Eden, with Beirut's waterfront transforming from a bullet-riddled shell to a tony business and tourist enclave. Much of the credit for that, of course, belongs to Hariri. It would be hard to pick a more powerful symbolic target than the billionaire who helped negotiate Lebanon's key peace accord, led the country for 10 years as prime minister and personally oversaw the reconstruction of Beirut's city center. But Syria, for all its repressiveness and propensity for mischief, also has to be given a share of the credit for providing the security that made Hariri's reconstruction possible. Lebanon today has the veneer of peacefulness, but many of the same elements that tore the country apart 30 years ago are still present, and about 10% of its present population is made up of Palestinian refugees. Syria's eventual withdrawal may be inevitable, but it will be an occasion fraught with danger. »

Los Angeles Times (États-Unis), 16 février 2005.

Gouvernance et gouvernement [ 14 février 2005 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagLibanTransitionÉmile Geamil LahoudFouad Siniora
flagSyrieFaibleBashar el-AssadMuhammad Naji al-Otari

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
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