Suicide collectif et massacre à Jonestown, au Guyana
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Jim Jones
Plus de 900 membres de la secte du People's Temple réunis dans une commune du Guyana, se suicident par l'absorption de poison où sont assassinés sous les ordres de celui qui les dirige, le révérend américain Jim Jones.
Jim Jones, un ministre originaire de l'Indiana, exerce une forte influence à San Francisco où il établit le People's Temple, un culte religieux qui se livre à des oeuvres humanitaires. Au milieu des années 1970, Jones fonde une commune au Guyana (Jonestown) où il attire des centaines de ses fidèles, dont beaucoup de démunis et d'Africains-américains, attirés par la perspective d'un monde utopique. Des irrégularités financières éveillent les suspicions à l'endroit du People's Temple que l'on soupçonne également d'exploiter la population de la commune qui travaille de longues heures dans un milieu étroitement contrôlé. Un représentant du Congrès américain, Leo Ryan, se rend enquêter à Jonestown, près de la frontière avec le Venezuela, en novembre 1978. Il est notamment accompagné de membres de la presse. Après une première impression favorable, Ryan prend conscience du climat de répression qui règne et des traitements que subissent ceux qui expriment le désir de fuir la commune. Avant qu'il ne puisse quitter l'endroit, il est tué avec des journalistes qui l'accompagnent, alors que d'autres personnes parviennent à s'échapper. Ces développements incitent Jones, devenu paranoïaque, et ses acolytes à liquider la population de Jonestown, dont des centaines d'enfants, dans les heures qui suivent. Plusieurs prennent le poison volontairement, mais certains y sont forcés alors que d'autres sont tués par balles. Jones lui-même se suicide. Les corps des victimes, plus de 900 en tout, seront retrouvés peu de temps après ce massacre à la fois terrible et énigmatique auquel ne survivront qu'une poignée d'individus. Le People's Temple disparaîtra par la suite.
Dans les médias...
Jean-Francis Held, «La foi qui tue»
«...Comprendre, expliquer pour ne pas être, à notre tour, saisis de vertige. Un de nos confrères de «Libération» s'est demandé, au lendemain du quatre fois centuple suicide, si les Américains, là encore, battaient tos les records de modernité ou si, décidément, leur société était la plus pourrie, la plus invivable de toutes. Il penchait pour la seconde hypothèse. Mais la première n'est pas négligeable. La Californie, en effet, a secoué l'arbre des habitudes acquises jusqu'à en faire craquer les branches. Tout reconsidérer, tout essayer. Mais ce nettoyage, cette vaste mise en question des routines touchent plus ou moins l'ensemble du monde occidental où vacillent les certitudes automatiques de papa. Fini la tribu et ses règles, adaptées ou non à l'âge industriel ! Rien ne va plus de soi. La religion, la famille, la hiérarchie, la morale, les profs, les flics, le travail sacré, tout vacille et bouge (...) Cet éclatement libertaire de nos vieilles valeurs confortables, pour Devereux (Georges), voilà le coupable. Faute de garde-fou, l'homme divague.»
Le Nouvel Observateur (France), 27 novembre 1978, p. 54.
P.D., «L'Amérique en désarroi»
«...Le délabrement du système politique est tel que tout est possible. La séduction dangereuse n'est pas limitée au domaine politique. Les événements de Guyana, où un millier de personnes se sont suicidées ou ont été fusillées, montrent que l'Américain, comme être social, connaît le même désarroi que celui qu'il ressent en tant qu'animal politique (...) Des Américains de plus en plus nombreux ne peuvent plus supporter la société individualiste dans laquelle ils vivent. Rejetant la déification du consommateur, ils cherchent à fuir dans un ailleurs que recherchait déjà le mouvement hippy des années soixante. Celui-ci a produit les premières sectes, celles de la Jesus revolution, avec des baptêmes collectifs dans les rivières. La drogue n'ayant pas apporté le paradis, on s'est converti à l'«opium des peuples» que sont ces sectes malsaines. Pour parvenir à la communauté après le «voyage» spirituel, on a eu les lavages de cerveau, le conditionnement total de l'individu, des célébrations «religieuses» -qui ne sont parfois que des orgies sexuelles ou des fêtes païennes nous rappelant les cérémonies de Nuremberg. Les adeptes des sectes sont prêts à tout, même à tuer (...) ou à se suicider (on l'a appris à Jonestown).»
Esprit (France), janvier 1979, pp. 128-129.
A.C., «La Californie, paradis des groupuscules»
«...Si la moindre agglomération américaine compte facilement une douzaine de temple divers, la Californie se distingue par le pullulement des sectes et des groupuscules religieux. Les associations les plus extravagantes ne manquent pas de se réclamer d'une divinité quelconque ou de se constituer en culte. C'est une manière de se démarquer tout en se dédouanant. L'enjeu vaut bien ce petit sacrifice : toutes les organisations religieuses jouissent aux Etats-Unis de l'immunité fiscale et, de peur de s'égarer aux lisières du profane et du sacré les magistrats ne se montrent pas trop pointilleux sur les critères qui devraient départager une communauté de croyances, fussent-elles fumeuses (au propre et au figuré...), et le club qui se donne un vague rituel pour échapper à l'impôt. L'annuaire officiel des Églises «sérieuses» installées aux États-Unis en recense environ deux cents. Il est impossible de chiffrer les communautés, édifiantes ou non, qui leur font concurrence. Elles prospèrent de préférence parmi les humbles et les déshérités, et attirent les âmes éprises de cette chaleur humaine et de cette discipline intérieure dont la société américaine n'est pas prodigue. Il est donc dans la logique de cette situation que le «révérend» Jim Jones ait prélevé une dime fantastique sur ses ouailles et qu'il ait conditionné leur abnégation jusqu'à les pousser à l'immolation suprême.»
Le Monde (France), 21 novembre 1978, p. 3.
S.A., «Soft Drinks and Cyanide»
«...One of the comforting delusions of Western society has been the theory that the banishment of illiteracy, the broadening of minds, the development of a richly diverse culture, all can be welded into a shield against the danger that one dynamic individual will be able to seize control of our minds and our collective will. An enlightened society, we like to think, has been inoculated against this form of subversion (...) It was suddenly cruelly clear that we remain painfully vulnerable to a persuasive tongue, even one that counsels in ways grotesquely at odds with some fairly fundamental moral tenets. Flawed and foolish as our world is, most of us would resist the invitation to cut ourselves adrift from it completely, turning instead to a philosophy that leads ultimately to soft drinks and cyanide (...) It is difficult to avoid comparison with Hitler's power to spread the infection of his own insanity -literacy and intelligence again affording little protection- and to lead vast numbers toward disaster. Emotional appeal often wins in this kind of context, particularly if coupled to visionary promises of a glorious future (or, in Mr. Jones case, hereafter).»
The Globe and Mail (Canada), 23 novembre 1978,
Gouvernance et gouvernement [ 18 novembre 1978 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Limité | Raymond Arthur Chung | Linden Forbes Sampson Burnham |
![]() | Élevé | Jimmy Carter |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).