Rébellion simultanée dans les prisons de Sao Paulo, au Brésil
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Sao Paulo
La moitié des 140 pénitenciers de l'État de Sao Paulo, au Brésil, sont secoués par une rébellion simultanée planifiée par le Premier commando de la capitale (PCC), une organisation criminelle qui sème également la terreur dans les rues de Sao Paulo. Les émeutes entraîneront la mort de centaines de personnes.
Encore peu connu en mai 2006, le PCC compte 140 000 membres dans les prisons du Brésil et plus de 500 000 dans le pays. En retour d'une cotisation, cette organisation, qui regroupe un vaste réseau d'informateurs, défend ses membres par tous les moyens et apporte un soutien financier à leurs familles. Selon un rapport fédéral, le PCC serait responsable de 20% des crimes commis au Brésil. En août 2005, il procéda à un spectaculaire vol de banque de $60 millions à Fortalez. Puis, le 11 mai 2006, il obtient une notoriété nationale. La direction des prisons, informée que le PCC veut déclencher une grève générale dans les prisons pour réclamer des télévisions en prévision de la Coupe du monde de football, en juin, transfère 500 prisonniers dans des institutions à sécurité maximale. En réaction, le PCC déclenche une rébellion générale dans les pénitenciers alors que ses membres sèment la terreur dans Sao Paulo. En cinq jours, ils tuent des dizaines de représentants de l'ordre et quelques civils, en plus de se livrer à des attaques armées sur des banques et des casernes de police. Des prisonniers sont aussi tués et la police militaire lance une offensive de représailles visant à abattre au moins deux membres du PCC pour chaque policier tué. Des commandos descendent dans les bars et bidonvilles de la ville et tuent 122 personnes suspectes, dont 28 n'ont pas de dossier judiciaire. Malgré cela, le PCC a exposé la faiblesse du gouvernement. La rébellion prend fin le 16 mai avec une entente prévoyant l'installation de téléviseurs dans les prisons pour la Coupe du monde. Si la rébellion révèle la puissance du PCC, elle démontre aussi le caractère inhumain des prisons brésiliennes, un terreau fertile pour les organisations criminelles.
Dans les médias...
Rui Araujo, Dominique Audibert, « Terreur sur Sao Paulo »
«...le président Lula lâche un commentaire bien court, qui tombe comme une pierre dans le jardin de l'opposition, au pouvoir à São Paulo. La violence au Brésil, dit-il en substance, est liée au déficit de programmes sociaux. Certes... Au même moment, le gouverneur de São Paulo, Claudio Lembo, pratique la méthode Coué. Il affirme que la situation est « sous contrôle », refusant même les renforts fédéraux de 4 000 hommes d'élite de la Force nationale de sécurité. Lundi soir, enfin, la situation semble maîtrisée. Mais la plus grande rébellion de l'histoire du système pénitentiaire brésilien se solde par un lourd bilan : 133 morts, selon les chiffres officiels, dont 39 policiers et 18 détenus. Le Brésil n'en est pas à sa première flambée de violence dans les prisons. Avec 350 000 détenus, une population carcérale qui croît de 10 % par an, et un taux de récidive effrayant (de 58 à 80 % selon les estimations), le système est en permanence au bord de l'implosion. Les prisons sont de véritables écoles du crime. (...) Mais, cette fois, il ne s'agit pas d'une simple mutinerie. C'est une véritable bataille rangée, où les groupes mafieux qui font la loi en milieu carcéral ont défié les autorités pour montrer leur pouvoir. »
Le Point (France), 18 mai 2006, p. 56.
Lamia Oualalou, « Scènes de guerre civile à Sao Paulo »
«...Le désarroi des Brésiliens est tel qu'à cinq mois du premier tour de l'élection présidentielle, aucun politique n'ose franchement en faire un argument électoral. Du côté du président Luiz Inacio Lula da Silva, qui se présentera sans doute à sa propre succession le 1er octobre, on souligne que ce déferlement de violence a lieu dans un Etat dirigé jusqu'à la fin mars par Geraldo Alckmin, principal adversaire de Lula à la prochaine présidentielle. Pendant cinq ans à la tête de l'Etat de Sao Paulo, il a mis en place une politique carcérale fondée sur la répression, le nombre de personnes derrière les barreaux ayant dépassé les 125 000 durant son mandat (deux fois plus qu'en France, pour une population de 40 millions d'habitants). Les prisons, qu'il a fait construire au bord de l'autoroute « pour que tout le monde puisse les voir », précise son entourage, sont en proie à une violence croissante. »
Le Figaro (France), 16 mai 2006, p. 2.
Chantal Reyes, « L'offensive à Sao Paulo pour devenir numéro 1 du crime »
«...Au-delà de la riposte au transfert de ses leaders dans une prison de haute sécurité, cette vague de terreur s'inscrit aussi dans une lutte de pouvoir entre le crime organisé et l'Etat. C'est en 1993 que le PCC a été créée par des braqueurs de banque sous les verrous, à Sao Paulo. A l'époque, l'objectif déclaré de l'organisation est de revendiquer l'amélioration des conditions de détention dans un pays où les prisons sont surpeuplées. Mais ce discours n'a jamais trompé personne, à commencer par les détenus eux-mêmes. Ce que veut vraiment le PCC, c'est - entre autres - dominer les prisons de l'Etat de Sao Paulo, le plus peuplé du pays. Et il y est parvenu: la plupart d'entre elles sont désormais sous son contrôle, comme l'a montré la mutinerie géante déclenchée ce week-end, qui s'est propagée à plus de la moitié des pénitenciers paulistes. C'est d'ailleurs à coups de mutineries que le PCC a « pris » le système carcéral. A chaque fois, la revendication est la même: le transfert de certains de ses prisonniers vers d'autres pénitenciers, afin d'y fonder le « parti », ainsi que l'appellent ses membres. Les autres détenus sont bien obligés de lui emboîter le pas. »
Le Temps (Suisse), 16 mai 2006.
Gouvernance et gouvernement [ 0 mai 2006 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Intermédiaire | Luíz Inácio Lula da Silva |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).