10 mai 2025
22 mai 1988

Départ du premier secrétaire du Parti socialiste ouvrier hongrois, Janos Kadar

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


La conférence nationale du Parti socialiste ouvrier hongrois (PSOH), la première depuis 1957, se déroule dans un contexte de changement. Cet événement est marqué par l’arrivée de beaucoup de nouveaux membres au sein du politburo et du comité central ainsi que le départ du secrétaire général Janos Kadar, qui était en poste depuis 1956.

L’avènement de Mikhail Gorbatchev à la tête de l’Union soviétique marque le début d’une période de changement au sein du bloc communiste d’Europe de l’Est. En décembre 1987, le secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, Gustav Husak, quitte ses fonctions. En Hongrie, le PSOH tient une conférence nationale du 20 au 22 mai 1988. Environ 1000 délégués, dont des officiels du parti, étudiants, travailleurs et autres, y prennent part. Elle vise à trouver des solutions à une économie peu performante (taux de chômage élevé, dette en croissance) et à une baisse du nombre de membres du PSOH. Plusieurs critiques sont émises à l’endroit du PSOH, le parti unique, et des propositions sont formulées : plus de distance entre le parti et l’État, accent sur la décentralisation, davantage d’élections à plusieurs candidats, etc. Plusieurs nouveaux venus entrés au politburo et au comité central sont peu convaincus par les politiques du secrétaire général Janos Kadar, qui prononce un long discours sur l’économie le 20 mai. Au pouvoir depuis la crise de 1956, celui-ci s’est montré favorable dans le passé à des politiques de marché plus poussées et à des échanges commerciaux avec l’Ouest plus prononcés que les autres pays d’Europe de l’Est. Sa popularité est toutefois à la baisse en 1988, particulièrement chez les jeunes. Le 22 mai, dernier jour de la conférence, il quitte ses fonctions. C’est le premier ministre Karoly Grosz, en poste depuis janvier 1987, qui lui succède. Décrit comme un pragmatique, celui-ci a déjà fait adopter des mesures d’austérité économique, dont une taxe sur la valeur ajoutée. Quant à Kadar, il conserve le titre largement honorifique de président du parti jusqu’au 8 mai 1989. Il meurt le 6 juillet suivant, à peu près en même temps que l’on annonce la réhabilitation d’Imre Nagy, le premier ministre accusé de trahison qui avait précédé Kadar lors de l’insurrection de 1956.

Dans les médias...

Bernard Lecompte, « Le dernier quart d’heure de Kadar? »

«...Partira? Partira pas? Pour le Hongrois moyen, qui s’intéresse rarement aux coulisses du pouvoir, telle est la question : Janos Kadar, 76 ans, profitera-t-il de la conférence nationale du Parti, le 20 mai, pour annoncer son départ? « Je serais prêt à démissionner avec un grand soulagement », vient de déclarer le secrétaire général du PC hongrois à un journaliste américain. « En fait, il ne s’est jamais autant accroché au pouvoir », constate-t-on à Budapest. Double retournement de l’histoire. L’homme qui passa, en 1956, pour l’agent des Soviétiques est devenu, au fil des années, le dirigeant le plus populaire du bloc de l’Est. Les Hongrois lui sont reconnaissants, au fond, d’avoir fait de leur pays « la baraque la plus gaie du camp », pour reprendre une boutade célèbre. Kadar inspire un respect quasi général. Jusqu’à ce que la crise économique révèle la fragilité de cette réussite : l’opinion, aujourd’hui, est unanime à penser que « trente-deux ans, ça suffit ». Un avis entendu jusque dans les hautes sphères du Parti… Dans ce climat de fin de règne, le problème de la succession risque d’être le principal enjeu de la Conférence nationale. »

L’Express (France), 20 mai 1988.

Paul Thibaud, « Le nouveau modèle hongrois »

«...Le processus actuel en Hongrie – c’est son intérêt – n’est, lui, ni interne au parti, ni interne à la formation, son foyer se situe dans l’entre-deux. D’une part, la réflexion sur les conditions de la réforme économique conduit, en cette période où la succession de Janos Kadar est ouverte, certains groupes internes au parti (notamment autour du secrétaire du comité central Porsgay) à envisager des réformes politiques de nature pluraliste. D’autre part, l’effervescence nationale s’accroît, comme l’ont prouvé les manifestations de rue pour commémorer 1848. La question semble être actuellement de savoir si, selon le modèle classique en Europe de l’Est, on va assister à une délégitimation brutale du régime par intervention du peuple dans un débat dont il était exclu, ou bien si une pluralisation, une véritable vie politique pourra être inventée dans le cadre du système. Le kadarisme jouissait d’une certaine légitimité dans le cadre d’une mise hors jeu du peuple depuis la répression de l’insurrection antistalinienne. Est-ce que le semi, le quasi ou le simili réformisme des dirigeants leur donne une chance de jouer politiquement avec le peuple, et non plus en son absence? »

Esprit (France), mai 1988, p. 94.

Sylvie Kauffmann, « Janos Kadar sur la défensive face aux « réformistes »

«...Ceux qui s’attendaient à un dernier sursaut historique de M. Janos Kadar, à une trouvaille politique pour tenter de sauver la situation, en ont été pour leurs frais. C’est bien un homme du passé qui a prononcé, le vendredi 20 mai, le discours d’ouverture de la troisième conférence nationale du Parti communiste hongrois. […] Au moment où certains intellectuels hongrois considèrent l’évolution politique du pays comme susceptible d’aboutir à un réexamen des événements de 1956, voire à une réhabilitation de Imre Nagy, le fossé ne peut pas sembler plus grand. Visage impénétrable de vieux lion qu’à aucun moment un sourire ne vient éclairer, le secrétaire général, qui aura soixante-seize ans dans quelques jours et que l’on dit physiquement très fatigué, a parfois donné l’impression de tenir un rôle de soutien qui n’arrive plus vraiment à le passionner. »

Le Monde (France), 22 au 23 mai 1988, p. 3.

S.A., « Hungary : The New Reality »

«...Days after Janos Kadar’s replacement as Communist Party leader by Prime Minister Karoly Grosz, the mood in Budapest was still euphoric. « We won,» exulted one party member last week. « It went beyond our expectations,» said a high-ranking government figure. Agreed a Western diplomat : « The change is unprecedented in the Soviet bloc. » [...] During his first week as party General Secretary, Grosz vigorously repeated his support for the market-directed policies he insists are necessary to revive the Hungarian economy, which is weighted down by an $18 billion gross foreign debt and double-digit inflation. But Grosz warned Hungarians not to expect too much too soon. « Many think reform will change everything, » he told a Budapest daily. « It is only work that will change our situation. »»

Time (États-Unis), 6 juin 1988, p. 36.

Gouvernance et gouvernement [ 22 mai 1988 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagHongrieFaibleBruno Ferenc StraubMiklós Németh

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

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