11 avril 2025
3 juillet 1996

Réélection de Boris Eltsine à la présidence de la Russie

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Boris Eltsine

La rapide libéralisation de l’économie, la guerre en Tchétchénie et l'état de santé instable du président russe Boris Eltsine minent sa popularité à l’approche de l’élection présidentielle du 3 juillet 1996. Il déjoue néanmoins les pronostics en remportant 35,8 % des voix au premier tour, puis 53,8 % au second contre le communiste Guennadi Ziouganov.


Résultats du scrutin

Premier président russe élu par la population peu avant la dislocation de l’Union soviétique (URSS), en 1991, Boris Eltsine connait un mandat difficile. Sur le plan économique, il supprime le contrôle gouvernemental sur les prix des denrées qui augmentent substantiellement. Malgré sa décision de compenser en augmentant le salaire minimum, le mécontentement persiste. Ses politiques de libéralisation rapide et d’austérité auraient contribué à réduire l’inflation, mais l’important déficit et la décroissance du produit intérieur brut sont problématiques. De plus, les forces russes sont embourbées dans le conflit en Tchétchénie depuis la fin de 1994. Les opposants d’Eltsine connaissent du succès aux législatives de décembre 1995. Aussi, quelques mois avant l’élection présidentielle du 3 juillet 1996, les chances de réélection du président, dont la santé est fragile, semblent faibles. Mais lors de sa campagne, il a l’appui de proches, d’oligarques ainsi que des médias qui l’aident à améliorer son image, en plus de rappeler avec des publicités les malheurs liés au passé communiste de l’URSS. Promettant d’augmenter les dépenses sociales, de pacifier la Tchétchénie et d’abolir la conscription, Eltsine progresse dans les sondages. Son principal adversaire, le communiste Gennadi Ziouganov, est bien organisé et populaire dans les régions, mais son refus de modérer sa plateforme ne lui permet pas d’élargir sa base. Il ne peut non plus rivaliser avec les ressources financières et médiatiques d’Eltsine. Celui-ci déjoue les pronostics le 16 juin 1996 en obtenant 35,8 % des voix contre 32,5 % pour Ziouganov. Troisième avec 14,7 %, Alexandre Lebed se rallie au président qui le nomme à la tête du Conseil de sécurité. L’ex-leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev récolte pour sa part 0,5 % des suffrages. Lors du second tour, le 3 juillet, Eltsine l’emporte avec 53,8 % des électeurs, un résultat qui sera cependant contesté par plusieurs observateurs.

Dans les médias...

Sophie Shihab, « La victoire de M. Eltsine relance la « guerre des clans » au Kremlin »

«...En votant assez massivement pour le président sortant, les Russes n'ont pas tant exprimé leur confiance en un homme dont la capacité à gouverner est mise en doute, que leur refus de confier leur sort à des gens du passé. Ont-ils pour autant fait triompher la démocratie, comme l'a affirmé Bill Clinton ? Une question centrale restera sans réponse après l'élection de Boris Eltsine à un second mandat : le premier président de la Russie à avoir été démocratiquement élu, il y a cinq ans, se serait-il aujourd'hui soumis à un éventuel désaveu des électeurs ? Lui-même a toujours dit n'envisager, en aucun cas, une défaite. L'existence de plans visant à pallier un échec électoral par la force ou par des falsifications fut attestée par certains de ses proches. Quant à la mise à l'écart du « clan Korjakov-Barsoukov-Soskovets » qui préconisait ouvertement ces méthodes, elle ne signifie sans doute pas que celles-ci ont été désamorcées à jamais. L'honneur fut sauvé par la majorité de la population, qui, en confirmant le rejet que provoque chez elle le simple mot de « communisme », a rendu ces précautions inutiles. Comme furent sûrement inutiles les excès de propagande douteuse, du type de la manchette choisie, lundi, par le quotidien le plus lu de Moscou, Moskovski Komsomolets : « Même les Mongols ont rejeté le communisme » ... Ou l'insistance à comptabiliser les résultats, de toute évidence frauduleux, de la Tchétchénie, au premier comme au second tour. » »

Le Monde (France), 5 juillet 1996

Frédéric Wagnière, « La démocratie pas à pas »

«...Dès le premier tour de scrutin, M. Eltsine a compris que les Russes choisissaient un projet de société plutôt qu'une personne pour les gouverner. C’est pourquoi il a nommé le général Alexandre Lebed à une haute fonction, montrant ainsi qu’il accepte les critiques concernant la sécurité que M. Lebed lui avait adressées. On est parfois tenté, surtout en Occident, de voir en Boris Eltsine l’homme providentiel. Il est certain qu’il s’est souvent révélé l'homme de la situation à des moments décisifs et qu’il a des idées claires sur l’avenir de la Russie. Mais il n’a pas les aptitudes pour détenir longtemps les rênes du pouvoir, ni le désir de le faire, même si sa santé et ses frasques occasionnelles le lui permettaient. »

La Presse (Québec, Canada), 5 juillet 1996.

Agence France-Presse et Reuter, « Eltsine réélu avec une large avance »

«...En trois mois de campagne, les discours des deux candidats s’étaient rejoints sur de nombreux points (priorité à la protection sociale et à la politique industrielle, puissance de la Russie, réorientation de la politique étrangère). Mais l’enjeu de cette première élection présidentielle de la Russie postsoviétique restait un choix de société: les électeurs devaient choisir entre la poursuite de la modernisation de la Russie avec Boris Eltsine et un retour au socialisme avec Guennadi Ziouganov. A une semaine du second tour, Boris Eltsine a brusquement disparu de la scène publique. Officiellement, il ne s’agissait que d’une extinction de voix, mais les antécédents médicaux du maître du Kremlin, qui a déjà subi deux attaques cardiaques l’an dernier, ont fait craindre le pire. Hier, M. Eltsine a voté en catimini dans un bureau de vote du village où se trouve sa maison de campagne, loin des caméras et de la centaine de journalistes qui l’attendaient devant son habituel bureau de vote. Immédiatement, les spéculations repartaient de plus belle, jusqu’à ce que de rares images le montrent en train de faire quelques pas et de dire quelques mots avant de déposer son bulletin dans l’urne. »

Le Devoir (Québec, Canada), 4 juillet 1996

Lee Hockstader et David Hoffman, « Yeltsine campaign rose from tears to triumph »

«...The story of Yeltsin's comeback, which reached its climax this week with his decisive runoff victory over Communist leader Gennady Zyuganov, is political drama of the highest order. In interviews this week, Yeltsin aides and campaign consultants outlined several key factors and turning points that made it possible: * A massive injection of cash into the president's campaign -- $100 million to $500 million or higher, according to estimates -- that came in part from the newly rich Russian capitalists controlling banks and other big private businesses. That spending dwarfed the official campaign spending limit of a little more than $3 million. * Scare tactics that included an eleventh-hour advertising campaign outside Moscow to convince Russians that a Communist victory could trigger a famine. * A group of top-secret American campaign advisers who were kept in isolation from nearly the entire Russian campaign team. *A secret alliance with Alexander Lebed, the retired- general-turned-presidential-candidate that was arranged at least several weeks before the June 16 first round of elections. Following the first round, in which Lebed placed third, Yeltsin appointed Lebed chief of national security. Yeltsin also benefited from the good fortune of having opponents so technically inept, so mired in ideological confusion and burdened with political pariahs that they became their own worst enemies. Above all, the campaign saga is an intensely human story of an aging and ailing leader -- a man by his own description at his best when the chips are down -- who at considerable risk to his fragile health shook himself awake from a long political torpor to mount an astonishing come-from-behind victory.»

Washington Post (États-Unis), 7 juillet 1996

Gouvernance et gouvernement [ 3 juillet 1996 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagRussieLimitéBoris EltsineViktor Tchernomyrdine

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

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